">
Clap de fin sur la Route du Rock, version 31 !
Encore une fois, « le plus petit des grands festivals » nous a réservé un week-end de haut vol. Entre confirmations, révélations, surprises et (légères) déceptions, retour sur quatre jours à plein régime. Accrochez-vous !
Mercredi 16 août
C’est devenu traditionnel, la Route du rock s’ouvre sur des concerts en intérieur. À la Nouvelle Vague très exactement. Les HotWax ont pour mission de lancer les hostilités. Et mission accomplie. Dans un élan « riot grrrl », loin d’être révolutionnaire mais terriblement efficace, les trois Anglaises sont visiblement déjà bien à l’aise sur scène. Les riffs sont clairs, nets, entrainants. Il n’en faut pas plus pour que le public, très clairsemé en début de set, se masse finalement devant le show.
Il y avait un avant, il y aura un après. Voir les Psychotic Monks sur scène, c’est bien plus qu’un simple concert. N’étant pas complètement convaincu sur disque, j’avais un peu peur de ressentir la même chose « en vrai » : une musique qui n’en est presque plus une. Mais voilà, le passage en live crée son lot de surprises. Les quatre membres du groupe se livrent littéralement corps et âme. Entre métal et noise, l’équilibre est parfait. Cela joue fort, très fort même (de mémoire, je n’avais pas eu mal aux oreilles depuis The Aloof – sur le même festival, il y a 25 ans…) et cela participe grandement au côté viscéral de la chose. La première claque du festival !
Difficile de passer après la tornade Psychotic Monks. Pour cela, il fallait absolument un groupe qui « assure » sur scène. Et la nature fait bien les choses, puisque Warmduscher fait partie de ces groupes. Musique entrainante, leader avec de la gouaille et public au rendez-vous. On met le cerveau de côté après l’orage, et on s’amuse. Une bien belle manière de clôturer cette soirée d’ouverture.
Jeudi 17 août
On attaque la journée, non pas avec un concert, mais avec l’expo photo de Titouan Massé dans la Tour Bidouane (remparts de Saint-Malo). Intitulée « Instants », elle reprend de nombreux clichés (assez récents pour la majorité) de groupes qui auraient fait une belle prog de Route du Rock. Des images magnifiques, toutes commentées par le photographe lui-même, ce qui apporte indéniablement un gros plus. Vous pourrez d’ailleurs, en consultant les photos qui accompagnent ce report, voir clairement la différence entre un photographe pro et un amateur :-)
On passe sur la Plage Arte, à quelques mètres de la tour, pour le premier concert en extérieur. Aoife Nessa Frances délivre une prestation en douceur, avec ses morceaux composés, semble-t-il, pour ce décor. La plage, les transats, le beau temps. On se laisse bercer, sans résistance.
Direction le Fort de Saint Père. Et cette année, c’est Jonathan Personne qui l’étrenne. L’artiste canadien chante parfois en français, chose assez rare pour être remarquée ici. De jolis morceaux avec un public qui mettra, encore une fois, un peu de temps pour se rassembler. Mais cela ne nuira pas à la prestation, entre rock et indé, tout ce qui fait le charme d’un concert d’ouverture traditionnel dirons-nous.
Dry Cleaning, c’est un peu le coup que l’on voyait venir de loin. Sur album, on a un magnifique rendu musique / chant, mais sur scène, cela risquait de faire flop. Si le flop est un peu exagéré, force est de constater que le chant de Florence Shaw, avec son côté linéaire, n’est pas vraiment taillé pour le live. Impossible de varier les émotions, de monter, de descendre. Bref, on reste sur la même ligne et on ne la quitte pas. Alors oui, les émotions passent aussi par la gestuelle, le regard, mais de mon ressenti, cela ne suffit pas.
Les Viagra Boys contraints d’annuler leur concert le jour même, c’est Squid que l’on retrouve en lieu et place. On ne va pas encore débattre ici pour savoir si le public « perd » ou « gagne » au change. Squid délivre donc, au pied levé, une prestation pleine de cœur et de joie, disons-le. Ils savent communiquer avec la foule et le coucher de soleil du moment rajoute une sorte de chaleur à la prestation. Leurs déviances expérimentales / free jazz sonnent parfaitement. Et pour la petite « carte postale » du week-end, leur reprise de Sports des Viagra Boys aura son petit effet sur les spectateurs.
On notera aussi que le dress code de la soirée semblait être le t-shirt Smashing Pumpkins. En effet, Ollie Judge (batterie et chant de Squid) et Tom Dowse (guitare de Dry Cleaning) arboraient la fameuse tenue. J’avais mon T-shirt Zero la veille. Toujours en avance me direz-vous. Finalement, on n’en reverra plus du week-end…
C’est au tour de Gilla Band d’entrer en scène. Déjà passés dans le fort sous le nom de Girl Band en 2015, ils tirent encore plus vers le noisy, le trituré, le bruitiste. Beaucoup trop à mon goût.
Grosse tête d’affiche, les Français de M83 vont littéralement retourner le festival. La formule « avec groupe » donne une puissance à la musique (qui n’en manquait déjà pas) et la prestation scénique accentue encore cet effet. On se retrouve dans un concert sans temps mort, qui nous prend par les tripes de la première à la dernière minute, et donne vraiment envie de bouger. Du bonheur tout simplement, aurais-je envie de dire !
Impasse pour ma part sur Special Interest, qui aura cependant eu le mérite de nous proposer « la fille la plus nue sur scène depuis Peaches« .
Et voilà qu’arrivent les King Gizzard and the Lizard Wizard. Probablement le groupe le plus attendu depuis leur annulation l’an dernier. On peut dire qu’ils ont fait le job. Haut la main. Pour être franc, je suis incapable de citer le moindre titre du groupe, leur discographie étant ultra-prolifique. Mais la bande de Stew McKenzy met tellement d’energie en jeu que n’importe qui serait automatiquement transporté. Ascenseur émotionnel et musical, un concert des King Gizzard, c’est bien plus qu’un simple show. Ceci dit, comme j’ai pu l’entendre de la bouche d’une festivalière : « la musique c’est comme le vin, j’en bois des litres mais j’y connais rien ». On peut donc apprécier sans être spécialiste.
Le concert terminé, la chenille prend directement le relais. Avec un record du monde à la clef. Mais qui aurait pu imaginer un autre dénouement ?
C’est l’heure de descendre dans les douves (pour aller douver… le néologisme à la mode). Les sets de Marie Davidson et des Magnetic Friends s’enchainent à merveille. Grande joie aussi pour les plus anciens de pouvoir descendre dans ce qui fut le camping jusqu’en 2004. Soirée électro interrompue à deux reprises par des averses apocalyptiques. Orage, pluie, on ne pourra pas dire qu’il n’a pas plu cette année sur la Route du Rock.
Vendredi 18 août
Le samedi, c’est SAND. Mais ça, c’était avant. Cette année, les traditionnels tournois sportifs ont lieu le vendredi et non le dernier jour. Notre équipe, The Avalanches, bien que vieillissante et perturbée dans sa préparation, s’en sort plutôt pas mal au football et termine deuxième, laissant échapper la victoire lors une séance de tirs aux buts expéditive. Au passage, un grand merci à l’organisation, aux autres participant.e.s (de tous âges) et à l’arbitrage sans faille (et sans VAR) de Vincent, alias DJ Galette !
Petit tour de bus, et on repasse dans le Fort pour les concerts.
Sur leur dernier album, Grand Blanc a mis tous les curseurs au minimum. Plus intime, plus minimal, plus soft. J’aime beaucoup moins, et sur scène, ben, c’est pareil. Trop effacé.
Très attendus pour ma part, les vétérans de Yo La Tengo arrivent. Le groupe va bientôt fêter ses 40 ans, c’est donc la caution « oldie » du festival. « Oldie », mais loin d’être has-been. Les trois membres en ont encore largement sous la pédale, et leur set aura été une grande satisfaction. Alternant entre calme et tempête, tournant entre les instruments et au micro, la performance est à la hauteur. Ils ne manqueront pas non plus de rappeler qu’ils ont joué sur cette même scène il y a 18 ans !
Les Black Angels sont, eux aussi, déjà venus sur le festival (2010 et 2018). Mais leur musique est tellement intemporelle, qu’ils y ont encore largement leur place. Les Black Angels, c’est un voyage psyché sans fin. Les morceaux sont à chaque fois un appel au « lâcher prise » sans condition. Sans chercher à en faire des tonnes, le groupe offre un grand moment d’évasion, salvateur.
Osees, c’est un peu le même constat que pour King Gizzard. Une discographie tellement longue qu’il est difficile de s’y retrouver, mais une énergie sur scène qui emporte tout sur son passage. Autant auditivement que visuellement, les Osees font clairement partie des grands moments de cette édition. On comprend facilement que le groupe ait pu avoir quelques passages à vide dans leur carrière, tant les gars se mettent à plat sur scène. Pas ou peu de temps morts, et un engagement physique hors normes. On a d’abord envie de dire bravo, ensuite de dire merci !
Le concert de clipping. m’a laissé un léger goût de trop peu. Si la musique avait de quoi plaire (même si c’est loin d’être ma tasse de thé), le flow beaucoup trop régulier de Daveed Giggs a donné un effet coulant et sans véritable saveur.
Au contraire des Young Fathers. Qui eux ont littéralement mis le feu ! Un set assez extraordinaire, il faut bien le reconnaitre. Leur musique, qui penche autant du côté de la pop que du hip-hop, avec toujours un chant gospel très caractéristique qui fait le lien. Si ça ce n’est pas original !?! Le public a été vite conquis (moi inclus) et tout le monde a senti rapidement que l’on assistait à l’un des temps forts du week-end. Le jeu de scène avec trois chanteurs plus choristes y est aussi surement pour beaucoup, et la fusion s’est vite créée entre la scène et la foule. Grand moment, comme je disais.
C’est Deena Abdelwahed qui clôturera la soirée dans l’enceinte du Fort, avec ses rythmes techno / orientaux. Foncièrement entrainants.
Pour finir, after show de Zone Rouge dans les douves. Là encore, un franc succès, le public nombreux malgré l’heure tardive était là pour en témoigner.
Samedi 19 août
Quatrième jour de concert / fête.
Sur le papier, c’est le soir le « moins interessant ». La fatigue arrivant et la prog un peu moins excitante auront assez vite raison de toute ma bonne volonté.
On attaque avec Jockstrap, le duo londonien. Difficile à décrire sur papier, tant le groupe jongle avec les styles. Pop, electro, ballades, presque tout y passe. Georgia Ellery donne de sa personne et de son sourire. Le public, encore peu nombreux à ce moment là, restera relativement statique.
Bodega enchaine après Jockstrap. Et il faut reconnaitre que ces lascars savent mettre l’ambiance. Avec une musique taillée pour faire danser et bouger, pas étonnant que le reveil du fort se fasse à ce moment là.
Un reveil vite eteint par les ronflants Brian Joneston Massacre. On peut reconnaitre que le groupe est très agréable sur disque, aucun souci. Mais sur scène, on n’est vraiment pas loin du soporifique. Les fans sont probablement conquis, mais je doute qu’un non-connaisseur puisse avoir un gros coup de coeur sur ce genre de prestation.
Pour moi, en tout cas, cela a sonné le glas. Petite soirée de fin pour votre chroniqueur.
A l’heure du bilan, on en tire evidemment beaucoup de positif. Les excellents concerts de Psychotic Monks, King Gizzard, Osees, M83. La très belle surprise Young Fathers. Les anciens du week-end, Yo La Tengo, qui assurent. La diffusion de La Classe Américaine dans les douves : une idée lumineuse pour ceux qui veulent se poser un peu entre les concerts. Côté négatif, on va quand même rappeler que les navettes n’étaient toujours pas à la hauteur. Elles ont le mérite d’exister, mais le système est, encore une fois, à perfectionner.
On en a pris plein les yeux et les oreilles, et mon petit doigt me dit qu’on va sûrement remettre ça l’année prochaine.
Un grand merci forcément à toute l’équipe organisatrice, aux bénévoles, aux artistes et au public.
Et pour finir, vous pouvez retrouver quelques photos d’ambiance prises au hasard des rencontres, juste en dessous de l’article.