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Pèlerinage annuel pour les amoureux de pop / rock / garage et consœurs, la Route du Rock tenait ses quartiers d’été du 14 au 17 aout. On y était, et on vous raconte tout (à un concert près…).
MERCREDI 14
C’est ML Buch, artiste danoise, qui ouvre le bal dans la salle de la Nouvelle Vague. Une salle en version un peu réduite (les gradins sont fermés). La prestation est plutôt calme, et envoutante, l’artiste utilisant uniquement un clavier et une guitare, qu’elle agrémente de sa voix. Difficile de définir quel genre de musique on a entendu, mais il faut parfois se laisser porter, sans chercher à forcément analyser la prestation. Une prestation qui d’ailleurs s’est jouée à peu puisque Marie Louise, de son vrai prénom, nous a précisé que ses bagages ont été renvoyés à Copenhague par easyJet, et qu’elle a été obligée d’utiliser une guitare prêtée sur place.
Au tour de Ghostwoman de prendre le contrôle de la scène. On passe sur quelque chose de bien plus énervé, tout en restant très mélodique. L’évolution musicale de Ghostwoman sur leurs trois albums fait plus ou moins la transition entre Allah-Las et les Black Angels. Leur concert fait clairement la part belle au dernier cité. On a d’ailleurs pu entendre plusieurs personnes commenter la prestation de la même manière : « c’est les Black Angels, mais à deux ». Car effectivement, les Ghostwoman sont deux sur scène. Mais il faut reconnaitre que la batteuse, Ille Van Dessel, n’y va pas de main morte sur ses fûts. Et que parallèlement, à la guitare / clavier, Evan Uschenko donne une consistance à leur musique qui provoque un raffut digne d’une formation plus fournie.
Pour conclure ce premier soir, Chalk était visiblement attendu par le public. L’expression « rugueux sur l’homme » prend ici tout son sens musical. Un sacré déluge de guitares, accompagné d’un chant hurlé / scandé. L’ensemble est parfaitement cohérent, et malgré une discographie relativement courte (comme les deux formations précédentes d’ailleurs), le concert ne souffre d’aucun temps mort.
JEUDI 15
Jeudi, tout commence dans la vieille ville de Saint-Malo, avec l’expo dédiée au collectif H5, et à son travail autour de la « French Touch ». Un grand nombre de pochettes d’albums est présenté. A cela s’ajoutent quelques autres travaux graphiques exclusifs, et, chose très agréable, un petit canapé devant une télé qui diffuse des clips. Riche idée pour celui qui a bien mérité une petite pause, et dont les jambes crient déjà misère !
Sur la plage ensuite, Naima Bock vient se poser. Sous un soleil timide, elle distille ses morceaux taillés pour le lieu. En duo sur la scène (guitare / violon), les compos sont parfaites pour lancer une semi-sieste avant de se diriger vers un Fort Saint-Père plus bruitiste.
Enola va d’ailleurs lancer les hostilités au Fort de bien belle manière. Avec son groupe, elle balance ses chansons, souvent revendicatrices, sans laisser le temps de récupérer. C’est à la fois carré et intense. Le côté indus de sa musique est parfaitement taillé pour la Scène des Remparts. C’est souvent un moment délicat que celui d’être la première formation, en toute fin d’après-midi. Mais l’énergie d’Enola balaie rapidement tous les doutes.
Kae Tempest était l’artiste qui me branchait le moins de cette soirée. J’ai donc commencé à suivre le set d’un œil un peu distrait. Il se trouve que j’ai quand même très bien fait de rester, car ce fut un fort joli moment. Son style musical, en spoken word, permet une grande liberté de parole et d’improvisation. C’est ce qui s’est passé, et Kae a eu pas mal de choses à rajouter. On a senti un vrai plaisir d’être là, et la dose de love qui a été déversée n’a eu d’égal que la joie qui semblait animer Kae et sa musicienne. Un premier moment fort en émotion, qui a clairement mis un gros coup de soleil au public déjà bien nombreux.
Nation of Language, c’était par contre LE groupe que j’attendais. Depuis ma découverte de la formation New-Yorkaise en fin d’année dernière (avec un beau retard donc), je suis un peu redevenu une groupie. Et l’annonce de leur passage à la Route du Rock a été une excellente surprise. Placé au premier rang, le set n’a pas déçu, loin de là. Musique extrêmement entrainante et entêtante, chorégraphies hors du temps, et un couple de fans à mes côtés qui avaient fait le déplacement quasi exclusivement pour eux. Toutes les conditions étaient réunies pour que tout roule. Après coup, les réactions négatives tournaient sur le fait que tout était un peu « too much » rétro. Mais à titre personnel, c’est justement ce qui me plaît chez eux.
On passe ensuite aux gros morceaux de la soirée, en commençant par Slowdive. Etant moins fan que la moyenne des festivaliers (ce sera la même chose avec Blonde Redhead), j’ai suivi avec grand plaisir la prestation, sans pour autant être transcendé. Les morceaux sont beaux, on en connait la plupart, et le groupe semble vraiment prendre du plaisir. Le côté planant qui leur colle à la peau est vraiment palpable, et il est difficile de ne pas fermer les yeux et de se sentir partir à dodeliner de la tête sur la plupart des morceaux. Un très bon moment donc.
L’heure de The Kills est enfin arrivée. Tête d’affiche incontestée de la première soirée au Fort, le groupe aura largement fait le taf. Jamie et Alison sont en grande forme. Ils proposent un set « retour aux sources » au format duo, après être passés par plusieurs configurations scéniques. Jamie s’occupe de toute la partie rythmique et de la guitare, Alison est au chant, et prend quelques fois aussi la guitare. Une énergie folle, des morceaux (tubes) qui s’enchainent, une réelle envie d’être là. C’est aussi ça qui fait le succès d’un concert, d’ une soirée, ou de tout un festival : l’envie.
Backxwash prend le relai sur la petite scène. En festival, il faut parfois s’attendre à faire quelques grands écarts musicaux. En voici un sacré. La rappeuse est seule sur scène, grimée, et chante (hurle ?) sur une musique qui allie la frange la plus bourrine du métal à la frange la plus hostile du hip-hop. Même mes oreilles pourtant peu chastes ont trouvé que cela allait très loin. Une expérience particulière, mais qui a le mérite de proposer quelque chose de nouveau. Je vais être franc, pas sûr du tout que j’écoute l’album dans mon canapé une fois rentré du boulot ce soir…
Soulwax, c’est la garantie d’un bon moment. On sait que le spectacle est assuré, autant pour les oreilles que pour les yeux. Avec une scène assez unique composée d’un échafaudage sur lequel trois batteries (!) prennent place, difficile de ne pas être happé visuellement. Et quand tout le monde se met à frapper de concert, il n’y a plus qu’à laisser son corps parler. Devenu dancefloor géant, le fort Saint-Père résonne au son des rythmes électroniques et mécaniques (les trois batteries citées plus haut forment réellement une superbe chorégraphie). Premier petit bémol cependant, j’ai trouvé les morceaux un poil redondants, et j’ai parfois eu l’impression (minime cependant), d’entendre un seul morceau décliné sur la durée du set.
2h30 du matin. La partie « Fort » s’achève pour laisser place au premier « after » du week-end (qui n’est plus dans les douves, mais en pleine « forêt » sur le chemin du camping). Le cadre est superbe, il y a un bar, la soirée peut donc continuer jusqu’à très tard, avec une playlist très smooth envoyée par Mystery Kid et Jabba 2.3. On danse, on rigole, et on se couche très (trop) tard.
VENDREDI 16
Tradition oblige, le tournoi de foot S.A.N.D. voit notre équipe, The Avalanches, prendre part aux joutes ensablées. Vieillissante et en manque de banc (les derniers joueurs ont été recrutés moins de 10 minutes avant le coup d’envoi), la formation terminera tout de même à une honorable 4ème place sur 6. Une jolie médaille en chocolat !
Sur la plage, c’est Aline qui ouvre les concerts. Et autant le dire tout de suite, si la prestation était vraiment de bonne facture, nous avions malheureusement plutôt les yeux rivés vers le ciel que vers la scène. La pluie. cette invitée de dernière minute dont personne ne veut, mais qui ne demande pas vraiment votre avis, était en train de pointer le bout de son nez. Si elle s’est présentée sous forme de petites averses pendant le concert, ce fut un véritable déluge ensuite.
J’ai donc pris (à mon grand regret) la décision de zapper le concert de Deeper. Passer toute une soirée trempé, ce n’est définitivement plus une option. Il a quand même bien fallu sortir de la tente à un moment, puisque Bar Italia allait entamer sa prestation. Et là, pas question de faire l’impasse. Le groupe anglais, grosse hype de l’an dernier, me renvoie une image assez hautaine, voire carrément prétentieuse. Sur scène, le groupe passe de trois à cinq membres avec l’ajout d’une basse et d’une batterie. Et effectivement, on a quand même une scénographie un peu décalée. Sam Fenton, à la guitare, passera tout le set avec un foulard lui cachant la moitié du visage (maladie, précaution, style, suffisance ?). Nina Christante est dans son monde, et danse et chante comme si elle était seule dans son salon. Jezmi Tarhik Femi est quant à lui un peu plus proche du public, et parvient à créer un petit lien. Côté musical, j’étais malheureusement un peu loin de la scène (sous le chapiteau plutôt que sous la pluie) et j’ai donc eu quelques difficultés à rentrer dans leur monde. Les morceaux rendent bien, mais je pense qu’une petite salle doit mieux leur convenir. Légère déception, mais plus due aux conditions qu’au groupe lui-même je pense.
Les Blonde Redhead revenaient au Fort pour la quatrième fois. Comme pour Slowdive la veille, c’est une excellente prestation à laquelle on a pu assister. Leur musique est d’une finesse assez rare, et chaque morceau vous transporte sans que vous vous en rendiez compte. De plus, la formation avait l’air de bien s’amuser (ce qui n’a visiblement pas été le cas lors de leur dernière tournée en France fin 2023 selon certains contacts). Mais je suis, là encore, moins fan que beaucoup de gens dans le public, et ça se sent.
La programmation d’Etienne Daho avait fait grincer quelques dents. Sa prestation aura pourtant mis tout le monde (à de rares exceptions près) d’accord. Daho, qu’on le veuille ou non, on connait forcément. Impossible d’être complètement passé à côté sa musique, tant il fait partie du paysage musical en France. Et c’est probablement ce qui explique que le public se soit laissé prendre au jeu. Ajoutons à cela une scénographie extraordinaire, avec un écran géant projetant des images à la fois jolies et bien senties. Et pour finir, un Daho qui semblait aux anges, j’en veux pour preuve son attitude « comme à la maison », et ses petits commentaires entre les morceaux, où il a alternativement raconté de petits morceaux de sa vie et encensé le festival et son public. On pourra dire qu’il a joué en terrain conquis, et qu’il aura même réussi à rallier à sa cause les quelques derniers réfractaires du festival. Chapeau bas Monsieur !
Bebby Friday, je n’en attendais pas grande chose. Cela tombe bien, puisque le concert ne m’a pas apporté grand chose non plus. Trop éloigné de mes goûts musicaux.
Retour sur la Grande scène pour Metz. Metz, dans mon salon sur album, j’aime bien. Metz, en concert en festival, j’adore !!! C’est clairement le groupe qui m’a apporté le meilleur ratio attente / résultat. Assez peu d’attentes, pour un concert grandiose. Parlons d’abord du capital sympathie de la troupe. Et particulièrement du guitariste-chanteur Alex Edkins. Le style geek, ça marche à tous les coups (petit coucou à Dylan Baldi de Cloud Nothings). Parlons ensuite du son de basse de Chris Slorach. Tout bonnement hallucinant. Lors de ses quelques parties en solo, on a pu mesurer le degré de vibration généré par son instrument. Et clairement tout le Fort vibrait. Un son monstrueux donc, au service de mélodies pas si brouillonnes ou bourrines qu’attendu. Le public, encore assez nombreux pour l’heure tardive, atteste de la qualité de la prestation.
Fat Dog, c’était un peu la grosse côte de la programmation. Ca passe ou ça casse. De mon point de vue, ça casse. Brouillon, sans ligne directrice, assez inaudible. Tirant même sur le ska selon certains (la « faute » au saxophone probablement). Bref, pas emballé.
L’after show du soir est assuré par OR’L et Paulette Sauvage. Un son un peu plus musclé que la veille nous permettra de tenir un peu plus tard, et de partir au dodo avec les derniers campeurs.
SAMEDI 17
On attaque le quatrième jour du festival dans les meilleures conditions, c’est à dire crevé !
L’annulation de dernière minute de Beach Fossils fait que Clarissa Connelly se produit deux fois de suite. Sur la plage d’abord, puis en ouverture dans le Fort. C’est un monde vraiment à part dans lequel j’ai un peu de mal à pénétrer. Très folklorique, à la limite du rituel. J’ai suivi d’une oreille assez lointaine.
Timber Timbre avait été ajouté à la prog une petite semaine avant la date (en remplacement de José Gonzalez). Il faut croire que le délai était un peu court pour l’ami canadien, qui est venu avec le matériel minimum. Une guitare, et un clavier (ils sont quand même deux sur scène). Au final, on aura droit à un set tout en douceur, avec le coucher de soleil en prime. Et quand on y pense, cela a créé un très beau moment, un peu hors du temps, un peu suspendu dans un week-end noisy. Et ça a fait beaucoup de bien !
Dans la catégorie « la grosse tête d’affiche qui est contente d’être là », nous avions Etienne Daho hier. Dans la catégorie « le petit groupe qui est très content d’être là », nous avons les Astral Bakers ce soir. La formation qui regroupe quatre musicien.ne.s / producteur.ice.s qui ont pourtant déjà une solide expérience, donne une belle leçon d’humilité. Entre joie d’être là et communion avec le nombreux public, on assiste à l’un des moments les plus touchants du festival. Musicalement aussi, c’est très touchant et surprenant. Pas mal de monde autour de moi pensait que le groupe était britannique, jusqu’à ce qu’ils se mettent à parler en français. Une pop très anglo-saxonne, sans pour autant parler de brit-pop.
Dernier gros morceau, et non des moindres, Air venait jouer « Moon Safari » en entier et dans l’ordre. Un moment que beaucoup attendaient depuis 25 ans maintenant, puisque le groupe n’avait jamais fait de tournée pour cet album. Visuellement, on avait droit à du très joli. JB Dunckel et Nicolas Godin, accompagnés de leur batteur, et intégralement vêtus de blanc. Le tout dans une « boite », blanche, elle aussi. En fond, des écrans géants diffusent des images, toujours en adéquation avec la musique (reprenant parfois les clips). On ne va pas se mentir, ce n’est pas sur ce genre de prestation que l’on attend une quelconque surprise. Et c’est parfois une bonne chose de savoir exactement ce qui va se passer. De savoir à quel moment le morceau va s’emballer, à quel moment il va se calmer. Et à cet égard, « Moon Safari » a beaucoup d’arguments à faire valoir. De superbes morceaux, intemporels et quasiment connus de tous. Certains auront reproché au set d’être un peu soporifique. L’album est plutôt de ceux que l’on écoute au calme, et n’est pas vraiment conçu pour les boîtes de nuit (à part un ou deux morceaux, éventuellement). C’était donc vraiment agréable de pouvoir s’imaginer dans son salon, en sirotant sa bière, avec le vrai groupe qui a fait le déplacement, rien que pour nous ! En supplément, le groupe a ajouté quelques uns de ses hits à la playlist. On parlait de concert sans surprise, on attendait quand même la venue de Thomas Mars, sans succès :)
Une erreur de débutant en lisant le programme de la soirée m’a fait manquer une grosse moitié du concert de Protomartyr. Dommage, puisque le groupe, qui n’en est pas à son coup d’essai à Saint-Malo propose toujours des prestations tendues et sans fioritures. Ce fut encore le cas ce samedi. L’association de la musique lourde du groupe, et de la voix du « révérend » Casey fait toujours mouche. Pas de temps mort, pas de reprise de souffle. Une heure en apnée complète (une demi pour moi…).
Conséquences de mon erreur, je suis tout entier dévoué au show des Meatbodies. Dans un pur style garage, que le public affectionne particulièrement, les Meatbodies ne font pas dans la dentelle. Le son est lourd, gras, et le spectacle est présent sur la scène. Très content au final d’avoir vu l’intégralité de ce concert.
La désormais traditionnelle chenille prend le relais. Cinq minutes un peu hors du temps, hors de tout. C’est foutraque, décalé, hors-sujet. Donc essentiel !
Dame Area, formation espagnole, a l’honneur de conclure dans le Fort. Il est tard, tout le monde est fatigué, il faut donc une prestation dynamique pour remettre tout le monde d’aplomb. Et question dynamique, Dame Area, c’est même plutôt de la dynamite. Un énorme son industriel produit aux machines, et une chanteuse explosive. Malgré un physique plutôt frêle, Silvia Konstance aura mis le public par terre par sa prestance et sa voix, taillée pour sa musique. Une prestation XL en clôture, il fallait rester tard ce soir !
Pour l’after, c’est Jessica Winter qui est réquisitionnée. Personnellement, j’assiste de très loin aux premières minutes du show avant de partir rejoindre les bras de Morphée. Juste assez pour remarquer qu’étonnamment, c’est une fille qui chante. Les prestations au micro sont assez rares sur les afters pour être soulignées. Le show ne m’a cependant pas vraiment emballé. Je n’était sans doute plus réceptif à grand chose…
A l’heure du bilan, c’est une super édition que l’on vient de vivre. Entre les têtes d’affiche à la hauteur, les jeunes pousses qui… poussent, et les petits trésors indés déniché par les programmateurs, tout le monde a pu s’en mettre plein les yeux et les oreilles.
Personnellement, je retiendrai la prestation touchante d’Etienne Daho, le concert surpuissant de Metz, le retour vers le futur de Nation of Language, et le come back de The Kills.
Bravo à toute l’organisation, qui a été à la hauteur. Merci, et vivement l’an prochain !
Je tiens aussi à remercie MES « photographes officiels » (Nathanaël, Guillaume, Camille). Voici d’ailleurs quelques photos d’ambiance pour conclure.
Crédit photo : Pierre G.