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(Live Report consacré à la journée du samedi 24 juin)
Avec Art?Rock à Saint-Brieuc au début du mois de juin, le Rock Dans Tous Ses Etats (23 et 24 juin) a lancé la saison des festivals en extérieur.
La programmation de cette 23e édition du « Rock Dans Tous Ses Etats » est inscrite dans une lignée rock, en restant largement ouverte à l?électro. Organisé sur l?hippodrome d?Evreux, le site est partagé entre deux scènes principales, auxquelles s’ajoutent la Papamobile, destinée aux groupes de la région les plus en vue du moment, et le Banana Club, sous tente, où se produisent les artistes électro. Le Festival Off se déroule quant à lui en amont de l?ouverture de l?hippodrome, dans les espaces culturels de la ville.
En toute fin d?après-midi, sous un soleil très agréable, Bumcello entre en lice et s?attèle à chauffer le public. Le duo français, composé de Cyril Atef à la batterie et aux percussions, et Vincent Ségal au violoncelle électrique, ne faillit pas à sa réputation. Laissant une large place à l?improvisation, les deux compères explorent de nombreux styles musicaux, passant de fil en aiguille du dub à des sonorités world ou rock, avec en filigrane ce groove qui a pour but de faire bouger les foules, dans une ambiance festive et conviviale. Leur prestation ne déclenche pas l?hystérie, mais permet une belle mise en jambes avant la longue soirée de concerts qui s?annonce.
Détour par la petite scène de la Papamobile pour suivre la fin du concert de La Maison Tellier, groupe à mi-chemin entre révélation et en attente de reconnaissance nationale. Originaire de Rouen, ce collectif officie dans un registre folk américain de bonne facture, quelque part entre Calexico, Neil Young ou Devendra Banhart. La Maison Tellier bénéficie actuellement d?une très bonne critique, entièrement justifiée. Leur rock-folk songs sont distillées avec autant de délicatesse que d?intensité. La preuve en est avec (notamment) leur reprise de Killing In The Name Of des Rage Against The Machine, en une version country hip-hop à la Beck, très convaincante.
Direction le Banana Club pour le set de Depth Affect. Sur scène, le jeune duo breton (laptop et claviers), s?entoure d?un DJ et d?un VJ. Mélange de rythmiques hip-hop et d?électro, leur set hétéroclite fait penser tour à tour à Prefuse 73, Amon Tobin ou Alias. Une recette pas si originale que ça certes, mais vraiment efficace ; le public qui s?entasse tranquillement sous la tente se laisse embarquer doucement mais sûrement au son de ce set entraînant.
A peine le temps de descendre une bière et c?est l?heure du concert des Dirty Pretty Things. Contrairement aux Babyshambles, les Dirty Pretty Things suivent à la trace les enseignements musicaux des feu-Libertines. En forme, le groupe de Carl Barât envoie avec ferveur son punk-rock à la sauce anglaise. Un concert à l?image de leur album « Waterloo To Anywhere » : certes le groupe ne crée pas vraiment la surprise mais sert efficacement ses morceaux, riffs tranchants et énergie bien rentre-dedans à l?appui. Les titres s?enchaînent rapidement, le concert file et se termine sans qu?on ait eu le temps de respirer.
On embraye sur la prestation d?Art Brut pour apprécier les versions live des titres de « Bang Bang Rock & Roll », leur premier album sorti il y a déjà un an. Fidèles à leur réputation, les cinq acolytes anglais assurent un concert impeccable, profitant d?ailleurs d?un public conquis à l?avance. Forcément. Ce post-punk décalé, maniant ironie, second degré et détachement se distingue largement dans le paysage rock actuel et connaît un buzz « raisonné ». La personnalité du leader d?Art Brut, Eddie Argos, y est pour beaucoup. Il dit plus ses textes qu?il ne les chante, et ses paroles drôlement débiles racontent des histoires du quotidien. L?attitude scénique de cette sorte de dandy déjanté est tout simplement foutraque mais authentique. Quand il cite tous les groupes de la soirée en hurlant ensuite « Top of the pops », on ne peut qu?hurler en choeur et donc participer à ce grand défouloir. On est loin de postures rebelles appuyées et surfaites, cliché toujours vivant parmi les formations rock. Le concert d?Art Brut reste un des meilleurs concerts de ce festival. Une prestation très rafraîchissante qui place la barre haut, tout en ouvrant véritablement la soirée.
C?est au tour de Dionysos de prendre le relais. Depuis la sortie fin août 2005 de leur dernier album « Monsters in Love », le groupe français n?en finit plus de tourner et est d?ailleurs à l?affiche de nombreux festivals cet été. Tout a été dit sur leurs impressionnantes prestations scéniques et leur univers si spécifique et habité. Rien ne sert de le répéter. Cela en deviendrait lassant.
Retour au Banana Club pour le set de TEPR. TEPR est le projet solo de Tanguy Destable, moitié du duo morlaisien d?Abstrackt Keal Agram, entre abstract hip-hop et électro-rock. Seul aux commandes, TEPR s?éloigne de l?univers sombre d?A.K.A pour un son électro-crunk, résolument orienté vers le dancefloor. Un live puissant et percutant, qui a lieu en même temps que celui de The Infadels, dont on rate la majeure partie. Dommage, car ce quintet anglais très en vue, qui associe rock et électro de gros calibre (dans la veine de LCD Soundsystem ou Fatboy Slim) est taillé pour les dancefloors.
Tous ces concerts, ça commence à creuser? et il est déjà plus de minuit. Quelques gouttes commencent à tomber. Et pourtant, c?est le moment de l?entrée en scène de Franz Ferdinand, tout juste arrivé de Paris, où le groupe se produisait en début de soirée à l?Opéra Garnier (dans le cadre d?une grande soirée-concert organisée par une marque de téléphonie mobile). La foule se masse rapidement aux pieds de la scène A. Moment idéal pour aller acheter tranquillement quelque chose à grignoter et à boire, les stands étant visiblement désertés. On peut même se permettre de trouver une grande table libre pour s?installer et reposer ses pieds. Le concert de Franz Ferdinand : de loin? c?est bien?
Le live des Ecossais clôture les concerts sur les deux scènes principales, la suite et fin du festival se déroulant à présent sous la tente du Banana Club avec les trois derniers artistes électro de la soirée : France Copland, Para One et Digitalism. C?est à ce moment que la pluie s?intensifie et le public se presse pour s?abriter sous la tente.
Après Art Brut, la prestation de Para One se distingue comme l’un des temps les plus forts de ce samedi. De son vrai nom Jean-Baptiste de Laubier, Para One est un touche à tout qui s?est fait connaître comme producteur des groupes électro-rap TTC, du Klub des Loosers ou de l?Armée des 12. En marge de ses expériences précédentes plus axées sur le hip-hop, son premier opus « Epiphanie » (sorti chez Institubes) est avant tout un album de musiques électroniques, qui a recueilli tous les suffrages. Un « faiseur de sons » oscillant entre techno, abstract hip-hop ou électronica. La force de Para One, c?est l?efficacité du son qui accroche l?oreille et fait bouger les pieds. En clair, il retourne intelligemment le dancefloor, entraînant immédiatement le public dans des déhanchements frénétiques. Irrésistible et hautement addictif.
Enchaînement direct avec les allemands de Digitalism, qui font fureur en ce moment dans le milieu électro, que ce soit avec leurs remixes ou leurs propres titres (Zdarlight, le gros tube techno de l’année dernière) ; leur prestation live, entre techno charnelle et house robotique frappe fort et c?est tant mieux. Un pur régal !
Cette année, pas de véritable tête d?affiche universelle au Rock Dans Tous Ses Etats, même si quelques poids lourds comme Franz Ferdinand ou les Dirty Pretty Things peuvent endosser le rôle. Ceci explique très certainement une affluence modérée, et ce n?est pas un mal pour profiter au mieux des concerts? mais des lives convaincants et un plateau électro vraiment emballant, le tout dans une bonne ambiance générale font de ce samedi une véritable réussite.