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Les hirondelles sont arrivées mais c’est l’averse qui accueille le public de ce soir. Arrivé au compte-goutte, celui-ci tarde à remplir La Maroquinerie. La musique d’attente nous met en bouche : les Sex Pistols tournent en boucle et donnent le ton.
Help she can’t swim arrivent sur scène. Les morceaux au format punk sont soutenus par les guitares tranchantes et les deux voix qui se répondent. Une riot girl agitée surenchérit aux guitares bruitistes. C’est leur premier concert à Paris et ils sont ravis de l’accueil. Ce groupe est efficace et prometteur et le public est conquis.
Jomy Massage, blondinette souriante et expressive, s’exprime à la guitare et au clavier. Le batteur et le guitariste qui l’accompagnent sont là pour la faire valoir. Les mélodies simples sont réhaussées par la voix chaude de Jomy. Sa voix est parfois proche de celle de Björk et s’envole ou devient plus intense sans jamais être brutale, malgré des textes provocateurs. On entre dans son monde. Bienvenue dans le nôtre.
Les changements de plateau sont très rapides et arrive The Roger Sisters, le 3ème groupe de la soirée. Deux jeunes filles se présentent : une blonde est au chant et à la guitare et une brune à la batterie et aux choeurs. Elles sont accompagnées d’un bassiste qui partage le chant. La guitare répond aux roulements de basse comme un lapin blanc sautillant et désorienté. On pense aux B 52’s … Ils s’en vont 45 minutes plus tard, montre en main. Concert sympathique qui mériterait plus de temps pour pouvoir réellement rentrer dedans.
Même si Kristin Hersh est venue en famille avec un de ses enfants, l’énergie juvénile de cette femme sans âge sera de mise. Dès le premier accord, le ton est donné : c’est le mur du son. Le format punk des morceaux de 50 Foot wave, réhaussés de ruptures de rythme virtuoses, est bien en place. La dame, toute de noir vétue, cheveux coupés à la garçonne et teintés de noir assène ses textes d’une voix complètement cassée, agripée à sa guitare. Elle est impressionnante. Ses concerts sentent l’urgence. Le public n’y résiste pas et s’étiole. Dommage, ce concert coup de poing méritait des pogos endiablés. D’ailleurs ce concert est à mettre au même niveau énergique que celui de Therapy? en deux fois plus fort !
Le temps est meilleur que la veille, mais toujours aussi peu de monde devant la salle, à l’approche de l’heure d’ouverture. Finalement, à 19h, la file d’attente s’allonge devant le Café de la Danse jusqu’à la rue de Lappe. Lorsque le premier groupe commence, la salle est loin d’être pleine.
Ill Ease est le projet d’une chanteuse, batteuse, guitariste, Elizabeth Sharp. Elle est accompagnée d’un guitariste qui s’essaie parfois à la batterie. Certaines boucles ont été pré-enregistrées, le tout est au final assez peu entousiasmant. Les morceaux rappellent l’esprit de Sonic Youth, mais le set reste morne et le chant ne relève pas le tout. L’album reste assez agréable à écouter chez soi.
Regina Spektor, habillée d’un jupon en tulle blanc et d’un simple t-shirt noir, porte des pinces à linge sur ses manches… cette fille a un grain, elle est décalée et c’est tout à fait charmant. Seule en scène au piano, dès son premier morceau, on est happé dans son univers fait d’histoires au quotidien, de peurs récurentes de la solitude et d’amour. Lorsqu’elle chante, elle irradie comme un soleil et nous transmet sa chaleur et ses émotions empreintes de mélancolie. Elle reste cependant génée par les applaudissements nourris du public. Le Café de la Danse se réchauffe et des frissons de bonheur parcourrent les rangs. C’est avec joie qu’elle nous revient une dernière fois pour un ultime « Après moi »… en anglais, français et russe.
Que peut bien nous offrir Nina Nastasia après un tel rayonnement ? Ses chansons intimistes ont une couleur plus triste. Ses histoires d’amour finissent mal. Accompagnée d’un violoncelliste japonais et d’un accordéoniste, elle joue des arpèges à la guitare sèche. Extrèmement intimidée par la qualité du concert et l’accueil réservé à Régina, semble-t-il, Nina peine à se mettre en place sur les premiers morceaux et sa voix est peu assurée. Puis c’est la libération et sa voix cristalline prend de l’ampleur. L’accompagnement des deux musiciens est à la fois discret et étrange… Comme la structure des morceaux. Cette folk atypique nous séduit. John Peel l’aimait beaucoup et l’avait invitée à plusieurs reprises pour des session acoustiques à la BBC. En bref, cette soirée aura été marquée par des voix et des personnalités tout aussi originales que touchantes.
Deuxième soirée parisienne au Café de la Danse, pour le Festival les Femmes s’en mêlent. Trois groupes vont se partager la scène : First Floor Power, Metric et Electrelane. La soirée est enregistrée et une partie sera diffusée en direct sur l’émission de Bernard Lenoir, sur France Inter. Des techniciens de France Inter circulent et les organisateurs de l’évènement sont en alerte.
First Floor Power ouvre la soirée : ils sont 5 sur scène, guitare-basse-batterie et deux claviers. Leur folk mâtinée de power-pop est assez entrainante mais pas franchement innovante. Le chant est tenu aussi bien par la guitariste que par le clavier, voire la bassiste lorsque celle-ci passe au clavier (ils sont énervants tous ces multi-instrumentistes…). Quelques morceaux aux refrains faciles gagneront le public, mais sans grand entousiasme.
Pour les Metric, c’est une toute autre affaire. Les musiciens font une haie sonore pour préparer l’arrivée de la chanteuse et dès le premier morceau, les paroles sont reprises en coeur par un public de fans qui les suit depuis plusieurs dates. Ca hurle, ça applaudit à tout rompre, ça chante faux… Il y a presque plus d’ambiance dans la salle que sur scène. Chaque membre du groupe se démène comme un beau diable mais le son n’y est pas… et là, on se rend compte que la chanteuse n’a pas de voix. Elle a une présence scénique indéniable mais un filet de voix inégal. L’ingénieur du son aura d’ailleurs bien du mal à lui donner du relief. On pense aux Yeah Yeah Yeahs. Les morceaux s’enchainent, efficaces. Lorsque la chanteuse se pose au clavier, c’est réussi et les mélodies à la fois dance et mélancoliques font de l’effet. Ce groupe doit être plus intéressant dans une salle où le son peut être plus fort… le guitariste a du se sentir frustré. Metric était le groupe le plus attendu ce soir et devra faire encore ses preuves sur scène avant d’être sacré « groupe culte ». Ce qui ne saurait tarder.
Après une telle débauche d’énergie, viennent les discrètes et introspectives Electrelane, groupe entièrement composé de filles. Elles nous présentent leur denrier album en forme de musique de film. Très peu de chant, des rythmiques très rapides, une guitare qui a du mal à suivre, Electrelane communique très peu avec le public, qui a bien du mérite à rester aussi enthousiaste. D’emblée, les deux premiers morceaux occupent le premier quart d’heure du concert… Suivent des titres totalement instrumentaux. Lorsque la chanteuse passe à la guitare en front de scène on espère enfin voir son regard… peine perdue. Elle se cache derrière ses cheveux. Le groupe fait une belle interprétation du Partisan de Léonard Cohen et enchaine des morceaux énergiques pour terminer. Les fans restent sur leur faim.
C’est le regret que l’on a lors des festivals : les prestations restent souvent trop courtes.
Les Femmes S’en Mêlent, festival de la scène indépendante féminine internationale passe par Saint-Lô (50) pour sa 8ème édition. Les groupes ne sont pas entièrement constitués de filles et on pourrait parfois se demander ce qui justifie la présence de certains d’entre eux à part le fait que le micro soit tenu par une fille.
Tout droit venu d’Angleterre, Help She Can’t Swim entre en scène face à une petite centaine de personnes. Leur rock, le plus Riot de la soirée, rappelle un peu Le Tigre mais plutôt Sonic Youth dans ses influences… La seule fille du groupe se trouve derrière le micro en mini jupe sur pantalon, un petit air de punkette pop, pas très souriante. Elle fait des ronds sur scène en s’excitant sur des titres les plus enjoués dont une nouveauté qui s’avère être des plus efficaces. Mais le public n’a d’yeux finalement que pour le guitariste, dont le jeu de scène est assez impressionnant. La demoiselle, au fur et à mesure, finie par se dérider un peu et l’on peut alors apprécier pleinement cette power pop.
Les musiciens de First Floor Power assuraient le dernier concert de leur tournée française. Même si la fatigue se fait sentir, la chanteuse s’excusant d’ailleurs pour sa voix brisée, ils sont heureux d’être là et le répètent tout sourire. Leur joie est communicative, leur musique donne envie d’allumer un feu de camp et de chanter avec eux leurs chansons à la pop lumineuse et envoûtante. Les frangines frangées, chemises à carreaux ambiance hippy-chic, alternent guitares et claviers en laissant parfois les choeurs à leur charismatique clavier Wingyist. Les suédois et leur pop qui n’est pas sans rappeler celle de Belle and Sebastian font l’unanimité mais ce n’est pas cela qui va faire transpirer le public.
Arrive alors Metric, qui donne enfin un sens au festival : le groupe, révélé dans le film « Clean » d’Olivier Assayas est mené par la délicieuse Emily Haynes qui entre sur IOU en mini robe noire et escarpins roses. Elle a une présence incroyable, ses mouvements sont sensuellement robotisés, elle se fige sur le rythme. Alors inévitablement un jeune homme s’écrie « à poil », elle ne relève pas mais quand un autre demande « la 4, elle est bien » (il n’a pas tort d’ailleurs, Combat Baby est magistralement interprétée), Emily soupçonne quelque chose de salace et rappelle qu’aujourd’hui ce sont les 60 ans du droit de vote des femmes en France ! La première également à titiller le public sur son attitude passive : « moi aussi je vais faire une chanson les bras croisés ». Mais merci, elle ne le fait pas, elle interrompt Dead Disco, qui prend une note électrique. Elle est complètement déchaînée. Le public rappelle Metric (fait assez rare il faut le signaler) mais le groupe n’a pas le temps de revenir, les conquis devant se contenter de trouver l’album. Un roadie explique d’ailleurs qu’il ne faut pas acheter « Old world Underground, where are you now? » en magasin car le groupe a des problèmes avec son distributeur. Ruée donc sur ceux proposés sur place puisque le public l’a décidé : Combat Baby sera la reine des futures fêtes des fans d’Emily jolie.
50 Foot Wave passe en dernier. Kristin Hersh, en ancienne Throwing Muses, se met à la guitare électrique. Le trio a un style assez sombre, collant à la personnalité de sa chanteuse. Celle-ci, connue pour ses troubles schizophrènes, maîtrise pourtant ce soir son trio de main de maître : batteur et bassiste accompagnent de manière musclée son rock abrasif. Voix rauque et guitare hurlante, elle livre avec son groupe un concert énervé contre un public fantôme… En effet une maigre vingtaine de personnes est là pour les applaudir à la fin du set. C’est aussi le risque de l’éclectisme du festival, le public ne s’était pas préparé à voir un groupe jouer si fort et être autant en colère. Finalement chacun repart : « Dead disco, dead funk, dead rock’n’roll » en tête. Mais les femmes ont fait sans aucun doute leurs preuves, sans rentrer dans des clichés féministes ni évincer les talents de leurs musiciens masculins, qui n’étaient pas, eux non plus, venus là pour faire de la figuration.
Par Nicoline