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C’est à l’Accor Arena de Paris que Nick Cave terminait son « Wild God Tour ». Suivre Nick Cave et sa musique intransigeante aurait pu faire tiquer qu’un artiste de sa trempe se produise dans une salle aussi immense et que la date ait été complète depuis de nombreuses semaines mais c’est ainsi, la popularité de l’Australien n’a cessé de croître au fil des années et il serait de mauvais ton de s’en offusquer. Cette date avait en plus un attrait intrigant via sa première partie puisqu’elle était assurée par les Anglais de Black Country, New Road, qui ont la particularité d’avoir, juste après la sortie de leur second album, évincé leur chanteur et plume quasi-exclusive pour continuer l’aventure sans lui, sous le même nom mais avec une nouvelle direction musicale. Alors certes, une première partie dans une salle aussi grande qui, naturellement, se remplit petit à petit tout le long du concert, ce n’est pas idéal, mais la prestation aura eu de quoi laisser dubitatif. Les Anglais ont certainement résolu les problèmes d’ego au sein du groupe puisque le chant est partagé par les trois membres féminines, mais cela se fait au détriment d’une personnalité affirmée qui donne une véritable couleur vocale, le post-punk progressif a laissé place à une musique plus onirique, mâtinée de jazz, de soul, de folk, en laissant toujours de côté les structures couplets/refrains mais on a eu davantage la sensation d’assister à un exercice de conservatoire, avec instruments variés, vocalises, sans jamais vraiment comprendre la finalité du propos…
Trente minutes après la fin de cette prestation insipide, les Bad Seeds débarquaient sur scène, Nick Cave leur emboîtait le pas et tout ce qui avait pu se passer avant était oublié. La scène est, comme c’est désormais toujours le cas pour les concerts de notre homme, agrémentée d’une plateforme qui permet à Nick Cave d’être au contact direct des premiers rangs et la communion ne tarde pas à se faire, Nick Cave allant haranguer le public sur le final époustouflant de Wild God, lancé en second titre. Notre homme est disert et annonce très tôt que cette date étant la dernière d’une longue tournée, son groupe et lui sont sur les rotules et vont avoir besoin de l’énergie du public. Discours à prendre évidemment sans inquiétudes quand on sait que Nick Cave fait partie de ceux qui donnent toujours le maximum sur scène et semblent même voire croître leurs forces de jouer live. Lancé sur de bons rails, le concert va nous faire passer par toutes les émotions. Nick Cave et son groupe qui, s’il évolue en personnel au gré des années et des tournées, ne perd jamais son ADN, à savoir être le seul capable de passer de la radicalité la plus totale à la sensibilité la plus exacerbée, réveille ainsi les émotions les plus primaires quand l’Accor Arena se transforme quasiment en cathédrale punk/indus le temps de versions cataclysmiques de Jubilee Street ou de From Her To Eternity, nous tire des larmes quand Nick Cave égrène de sa voix inimitable les paroles bouleversantes de Bright Horses. Le côté gospel et spirituel du dernier album n’est quant à lui pas en reste non plus puisque quatre chanteurs gospel accompagnent le groupe et assurent les choeurs, mais c’est toujours l’intensité qui domine. Les titres de « Wild God » s’insèrent ainsi naturellement dans le répertoire de l’Australien à côté de ses classiques, et c’est certainement Conversion, qui voit Nick Cave relancer encore et encore le public pour reprendre les paroles avec lui qui sort du lot. On a déjà amplement franchi le cap des deux heures de concert quand vient le moment du rappel (pas mal pour un groupe sur les rotules !), qui va encore livrer son lot d’émotions avec une version enlevée et intense de The Weeping Song, un hommage touchant à Anita Lane avec O Wow O Wow (How Wonderful She Is). Et comme si ça ne suffisait pas, alors que les Bad Seeds quittent la scène, Nick Cave s’installe seul une dernière fois au piano et se lance dans une version déchirante d’Into My Arms. De quoi repartir le coeur gonflé d’émotions et la tête pleine de souvenirs pour longtemps.