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Repli sur soi, incapacité à se concentrer, difficulté à communiquer, vague à l’âme, écoute compulsive de « Garden Of Delete ». Si vous présentiez l’un ou l’autre de ces symptômes vendredi dernier, c’est bien que vous étiez au Trabendo la veille. La grand-messe toutes technologies de Oneohtrix Point Never en aura rendu plus d’un fou. De la disjoncte saine après un putain de voyage émotionnel.
De la musique de Daniel Lopatin, aussi O.P.N., on avait tout lu, tout entendu, mais surtout qu’elle était d’un abord incompréhensible et d’une nature complexe. L’homme se cache pourtant derrière l’un des disques les plus acclamés de 2015. Sorti sur le tard, à la mi-novembre, « Garden Of Delete » compilait les éloges et raflait les podiums des tops de fin d’année. Et à raison ! L’album, une fois apprivoisé, fait des merveilles et s’avère être une pièce indispensable à intégrer à toutes les discothèques tant il semble transcender la musique pour carrément digérer les phénomènes sociétaux et produire un reflet effrayant de notre monde.
Mais revenons sur scène, où Nate Boyce se tient à la guitare quand le héros du soir est derrière un écran, prêt à assener une claque pas possible à toute l’assemblée. Un choc frontal, fabriqué d’une matière visqueuse, gluante, de celle qui colle à la peau, pénètre lentement les pores et modifie sournoisement les lignes, renverse les règles du jeu. S’immerger au plus profond de ce qu’Oneohtrix Point Never nous donne à décrypter, aux niveaux sonore et visuel, relève presque de l’instinct de survie.
L’apparat nineties du show est incontestable, à l’image de la vidéo de Sticky Drama, réalisée en collaboration avec l’artiste Jon Rafman. C’est d’ailleurs ce morceau qui signe l’apogée du soir, l’emphase d’un Daniel Lopatin au sommet de son art. Un peu comme si Slayer croisait Beyoncé qui collaborerait avec Legowelt. Dialogue agressif entre le mainstream de type « vu à la télé », le déviant et l’alternatif : synthétiseurs, gore et arpèges. Un délire épique et hypnotique où l’immatériel côtoie l’hyper présence.
Reconnaissons-le, le résultat est irrationnel. Les sentiments qui en découlent, les émotions qui en sortent, l’état d’hébétude qui s’en dégage, on n’aurait jamais pensé qu’un jour on ressortirait d’une salle de concert dans cet état. On a oscillé entre le monstrueux et la grandiloquence, on ne s’en est toujours pas remis.