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Patti Smith se produisait le 21 octobre au Zénith de Paris, après avoir déjà visité cet été quelques festivals et salles du vieux continent (dont le Bataclan à Paris). C’est réjouie de l’accueil chaleureux réservé à son dernier album « Trampin’ » et revigorée par l’effervescence de la campagne présidentielle américaine que nous l?avons retrouvée. L’une des rares artistes rock publiquement engagée aux côtés du candidat écologiste Ralph Nader n’a sans doute pas eu à se forcer pour regagner les scènes et délivrer son credo anti-Bush. Quand on connaît en outre le penchant de Patti Smith pour les poètes symbolistes français, on imagine combien elle a du goûter l’opportunité de jouer à Paris, le lendemain du 150ème anniversaire de la naissance de son idole Arthur Rimbaud (ce dernier aura en effet droit à sa dédicace au cours de la soirée).
Pour sa part, c’est sa 58ème bougie qu’elle s’apprête à souffler. Mais Patti Smith n’a pas perdu sa capacité à électriser les salles ni à galvaniser les foules. Le poing levé sur le refrain de People Have the Power, l’égérie du rock new-yorkais est toujours aussi conquérante. La démonstration en est faite dès l?entrée sur scène de son groupe, via l?interprétation du diptyque Babelogue+Rock’N’Roll Nigger, enchaînement d’un prêche déclamé avec inspiration puis d’un titre sauvage et libérateur. Egalement un classique de la dame, ces longues mélopées incantatoires nous plongeant dans un état proche de la transe et prononcées sur fond de photographies militantes (Gandhi, Radio Baghdad).
Rien ici de démagogique ou d’opportuniste, Patti Smith est une éternelle révoltée, une mère de famille qui porte toujours le jean troué et une quinquagénaire qui sait encore s’indigner. Pas un hasard si elle présente rigoureusement la même allure qu’à ses débuts, au milieu des années 70 : un corps chétif habillé de fringues dandy-punk et borné par des pieds nus et de longs cheveux négligés. Seuls ces derniers, asséchés et grisés par le poids des années, semblent marqués par l’âge.
Mais toute convaincante qu’elle soit lorsqu’elle harangue son auditoire en s?agitant comme une diablesse, on s’imaginerait mal notre frêle mamie du rock aussi résistante sur les barricades. C’est donc dans le registre des ballades que la grande prêtresse se révèle la plus persuasive. Mother Rose et Trampin’ dévoilent, derrière cette carapace de garçonne insoumise, une sensibilité touchante et un vécu douloureux. La chanteuse est même totalement désarmante lorsque, de sa voix fatiguée et suave, elle livre quelques confidences à son public. Narrant par exemple sa première visite de la tombe de Jim Morrison au cimetière du Père-Lachaise, elle réussit l’exploit d’installer une réelle intimité dans cette froide halle du Zénith.
Le charisme et la générosité de Patti Smith ne faiblissent donc pas. Aussi crédible en vieille combattante qu’en sage doyenne, elle hante ses concerts de sa présence vocale et de sa fragilité et entretient ainsi une longévité quasi unique. Une authentique légende vivante…