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The Organ ouvre cette seconde soirée parisienne du Festival des Inrocks. Musicalement, les arguments des Canadiennes restent assez pauvres, bien que de très bon goût, grâce à un lot d’influences sans faute (The Smiths, Joy Division, The Cure). Tout est figé sur scène, timide, et vite abandonné. Comme si ces cinq filles ne savaient pas trop pourquoi on les avait fait venir. Seulement voilà, ce groupe, pas pro pour un sou, dégage une aura captivante. Habité, il exprime une douleur et une mélancolie palpables, un sentiment qui nous tient le ventre. La deuxième moitié du concert lui permet de gagner de l’ampleur. Rassurées par un public accueillant, les Canadiennes enchaînent les titres avec plus d’aisance, et nous quittent presque en s’excusant.
C’est ensuite aux nouveaux venus Test Icicles de se précipiter sur scène. Sur des enregistrements lourds et répétitifs, le trio anglo-américain fait hurler guitares et voix. Malheureusement, il passe plus de temps à gesticuler qu’à toucher les cordes de ses intruments. Mis à part deux ou trois titres véritablement écrits, le reste n’est qu’une succession de riffs et de cris désordonnée. On sort les boules quiès, on s’amuse quelques minutes des acrobaties, et puis cela devient pénible. Pour une fois, on félicite les Inrocks du timing serré : les fauves sont renvoyés en cage en moins d’une demie heure.
Les Cure et les Buzzcocks résonnent dans la salle, qui se presse maintenant dans la fosse pour The Rakes. Le chanteur, en t-shirt de footballeur, et son groupe, aux airs d’éternels étudiants déserteurs d’amphis, sont mis en lumière par des bâtons colorés sur scène. On peut saluer le raffinement. Les titres très basiques sont efficaces, on remue dans la fosse, en souriant parce qu’on se laisse prendre au jeu volontairement. Comme pour Bloc Party, pour ne citer qu’eux. Si le groupe n’innove en rien, et qu’il n’est même pas fichu de donner une coloration personnelle à l’ensemble, il n’en reste pas moins que les singles accrochent. Et que le charismatique chanteur dégage une sympathie sans avoir à forcer le public. Clownesque, il ponctue les chansons de mimes ou décharges logorrhéiques, se débarrasse de tout accessoire vestimentaire lors des deux coupures de courant. Et revient, triomphant aussi fou qu’un Ian Curtis sans le malaise, pour les deux derniers titres.
Les techniciens s’affolent et courent, on installe un ampli devant le rideau rouge, pour que deux jeunes femmes (arrivées « par hasard » selon leurs propre mots) prennent le relais, le temps de résoudre les problèmes techniques. Quelque part entre une PJ Harvey et une Shannon Wright de supermarché bien français, les nantaises de Mansfield.TYA sont remerciées comme il se doit, et font place à Cat Power. Une voix à la douceur un peu rauque s’élève, reconnaissable entre mille, sur des accords simples à la guitare. Pourtant, Chan Marshall remue sur son siège, son visage est tendu, et le public s’agace, amorçant à chaque début de chanson une série de « chhhht ! » fort désagréables. On a l’impression d’une rupture entre ceux qui sont dedans et les autres. Et pour ces derniers justement ? Les titres lumineux de l’album passent franchement moins bien. On n’ose pas la comparaison avec une Carla Bruni, mais on ne peut s’empêcher d’y penser. Un mauvais jour, sûrement. Et sans aucun doute une franche erreur de programmation de la part des Inrocks : l’enchaînement The Rakes / Cat Power n’aura vraiment pas été heureux.