Revue 20000 Jours Sur Terre
On ne parle pas souvent cinéma sur IPR mais il est tout aussi rare qu’un film soit consacré à une icône du rock indé. 20000 Jours Sur Terre, réalisé par Jane Pollard et Iain Forsyth, est ainsi tout entier dédié à Nick Cave. Mais le film se distingue par sa forme, entre documentaire et fiction. Pas de plans caméra sur l’épaule qui suivent l’artiste partout, pas de témoignages de proches qui racontent comment ils l’ont connu, etc…, pas de tentative de retracer l’ensemble d’un parcours, le film est une journée fictive dans la vie de Nick Cave, qu’on voit se lever, se mettre au travail, se rendre à divers rendez-vous au volant de sa voiture, où il évoquera quelques épisodes de sa vie, ce que représentent pour lui l’écriture de chansons et la scène. Quelques séquences purement documentaires (et musicales !) ponctuent et illustrent les propos tenus, principalement tournées pendant l’enregistrement de Push The Sky Away à la Fabrique à St Rémy de Provence et à l’occasion de concerts de la tournée qui a suivi la sortie de l’album.
La grande réussite du film tient à la recherche d’une essence, d’un équilibre. Tous les clichés sur le rock’n’roll et ses dérives sont laissés de côté, ou alors brièvement évoqués avec dérision par les protagonistes (Nick Cave lui-même, Warren Ellis, son fidèle bras droit…), et ne tombe jamais dans l’hagiographie (la place que tiennent l’écriture et la musique dans la vie de Nick Cave laissent aisément deviner que partager son quotidien n’est pas forcément facile). Le passé et les souvenirs sont évoqués, évidemment puisque Nick Cave a derrière lui plus de trente ans de carrière, mais la place donnée au présent est tout aussi importante et à aucun moment le film ne donne l’impression que Nick Cave se retourne sur sa vie et fait le bilan. C’est là le point crucial, ce qui fait la spécificité de Nick Cave, qui même après tant d’années, continue à être habité par la volonté de toujours faire mieux, de ne pas se répéter banalement. L’entendre expliquer que l’écriture est pour lui la création d’un autre monde puis regarder une séquence où on le voit interpréter Higgs Boson Blues en studio avec les Bad Seeds, totalement habité par ses paroles et le processus d’élaboration est un grand moment parmi d’autres. Finalement, ce film se regarde comme on écoute un album de Nick Cave, qui dit toujours qu’un disque doit avoir sa propre couleur, son unité, tout en gardant une cohérence avec ses prédécesseurs. 20000 Jours Sur Terre reproduit ce schéma : c’est un film singulier qui met en lumière avec originalité un artiste d’aujourd’hui. Mais d’aujourd’hui depuis trente ans.
20000 Jours Sur Terre est en salles depuis le 24/12/2014.
- Publication 464 vues6 janvier 2015
- Tags Nick Cave
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