Plus beau encore que la beauté, l'excellence de ce deuxième ballet sonore imaginé par le duo A Winged Victory For The Sullen bouscule l'ordre des affects du mélomane néo-classique...
Au creux de ses inclinaisons cinématographiques, que l’on pourrait tout aussi bien appréhender comme l’illustration sur pellicule d’une romance inachevée, la genèse du retour d’A Winged Victory For The Sullen (AWVFTS) a pris, en réalité, une tournure inattendue sous les arcades du célèbre Royal Opera House de Londres. Usant des mélodies soyeuses du premier effort du groupe afin d’entraîner ses poulains sur les planches, Wayne McGregor, metteur en scène et chorégraphe pour le Royal Ballet School, décide expressément de commander une bande-son auprès d’AWVFTS, convaincu de leur potentiel lyrique pour escorter sa nouvelle pièce « Atomos », à l’affiche une poignée de jours plus tard au cœur de l’enceinte londonienne.
Préalablement enregistré en une seule et unique piste, le franc succès rencontré par ce scoring improvisé deviendra naturellement le deuxième album du duo Adam Wiltzie/Dustin O’Halloran, édité comme son prédécesseur sur les labels Kranky (U.S.) et Erased Tapes (UK/EU). Divisé pour les besoins de l’album en onze plages distinctes, « Atomos » dépeint l’osmose idyllique entre ses deux auteurs, le premier se révélant être un précieux pourvoyeur d’ambient music (au sein notamment des groupes The Dead Texan et Stars Of The Lid) et son second, à créditer notamment de la B.O. du film de Sofia Coppola « Marie-Antoinette » ainsi que de diverses collaborations à caractère néo-classique.
La fusion entre leurs influences sus-citées prend ici sa véritable mesure, là où l’effort préliminaire du duo relatait davantage un classicisme dans sa conception la plus éthérée. Cette fois, l’atmosphère de ce nouveau recueil est partagée entre noirceur et apaisement, animée par une noble volonté de bercer l’auditeur dans un dédale sentimental plus probant que jamais. Ainsi, les pièces aux teneurs obscures (entre autres Atomos I, Atomos II, Atomos VI ou encore Atomos X) se font contemplatives, lancinantes, modelées par une adjonction de nappes synthétiques et de rythmiques feutrées qui apportent, en définitive, la juste profondeur et le degré énigmatique tant recherchés au préalable. L’ambiant-music y demeure terriblement mystérieux et parfois terne dans la gravité de ses notes, sans jamais basculer pour autant dans un registre anesthésiant.
Invoqué dans son thème, l’idée de confronter en musique la beauté de la chimie à son pendant surnaturel aurait pu s’avérer délicate, mais l’exercice en soi, couplé à la fluidité de lecture de ce brillant opus, ne paraît jamais bancal ni trop appuyé. L’harmonie est telle que les pistes plus organiques, travaillées autour d’un piano, d’un ensemble de cordes (Atomos III, Atomos IX et XI) et d’un lyrisme imperfectible, prennent une part tout aussi importante du processus et, à échelle variable, dans l’approche générale perçue par son auditoire. Et puisque l’esthétisme trouve également son sel sous ses traits les plus sombres, « Atomos » et ses méandres tragipoétiques en apportent l’une des preuves musicales les plus éloquentes de l’année…
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- Publication 643 vues21 novembre 2014
- Tags A Winged Victory For The SullenErased Tapes
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