Cantat en roue libre.
L’idée de commenter quoi que ce soit qui concerne Bertrand Cantat se heurte souvent à des critères qui n’ont rien à voir avec notre activité ou notre passion. Ce ne sera pas dans ces lignes que nous débattrons de la personne, nous parlons ici de musique. Ceci étant dit, l’éternel visage de Noir Désir nous revient, cette fois seul, après l’expérience Détroit, avec ce nom de code emprunté à Nietzsche qui signifie globalement aimer son destin.
Bien plus varié que l’introspectif « Horizons« , « Amor Fati » est traversé de tout son long par une réelle volonté exploratrice, entre rock pur, sonorités électro épurées, folk ou carrément hip hop. Il y a une recherche de liberté dans la démarche quitte à perdre de la consistance sur l’ensemble de l’opus. D’aucuns pourraient évoquer un artiste qui se cherche, mais on a plus le sentiment d’un homme qui s’amuse, déambule dans un paysage dessiné par nombre d’influences aux frontières pourtant bien marquées.
En revanche, une chose est sûre, le possesseur du hurlement le plus classe du rock (français ?) n’a rien perdu de sa qualité de voix et ni de l’aura qui s’en dégage. Doué d’un charisme naturel auquel peu peuvent prétendre, le chanteur habite bien mieux son personnage, plus assumé qu’avec Détroit, plus mis en danger. Pour le reste, beaucoup de titres vont nous laisser sur notre faim. Le phrasé hip-hop du titre éponyme sonne presque faux à nos oreilles, un je ne sais quoi de trop ou pas assez, comme une forme d’essai encore en ébauche, que ce soit sur le texte ou la rythmique, Dieu sait que la France à généré de bien meilleurs flows. A ce titre succède un Silicon Valley qui nous ramène à l’époque « textes engagés » de Noir Désir, où l’écriture se voulait dénonciatrice, mais confinait souvent à enfoncer des portes ouvertes. Là, on est en plein dedans. En outre, la partie musicale plus soft ne rattrape pas le reste. Au rang des déceptions, on pourrait aussi parler de L’Angleterre, qui pour le coup est particulièrement étudiée : conter la vie des immigrés animée par le rêve du Royaume-Uni jalonnée de douleurs et déceptions, le tout bercé par un morceau de pop anglaise légère et sucrée. On ne peut réfuter la démarche conceptuelle sauf que de la pop anglaise légère et sucrée reste ce qu’elle est, et, ici, la pop FM a tendance à provoquer de l’aversion. Nous ne sommes pas exhaustifs sur les titres décevants mais, bien heureusement, ils ne sont pas seuls.
Principalement sur sa deuxième partie, l’opus reprend des couleurs, entre les très directs Excuse My French ou Chui Con où l’on sent notamment l’influence du rock grandiloquent de Shaka Ponk et où on retrouve l’inénarrable timbre hurleur du chanteur. Deux titres auxquels on peut prédire d’ores et déjà un bel avenir live. Aujourd’hui, lui, se veut pop, groovy, efficace, un titre qui sonne très british, dans le sens où il nous ramène au don de composition pop de nombreux artistes d’outre-manche. Mais s’il y a un titre qui nous aura réellement marqué positivement, c’est J’attendrai. On retrouve l’écriture ciselée et mature de Cantat, le tout magnifiquement soutenu par un timbre feutré et haut perché, en plus du superbe son trouvé sur la 6 cordes et la voix féminine qui vient rythmer le sens du texte et l’instrumentation.
Voilà, donc, nul besoin de s’attarder à des paramètres autres que musicaux pour se sentir partagé sur cet album. « Amor Fati » ne nous a pas emballés, même s’il y subsiste des réminiscences du talent de l’artiste. Quand celles-ci arrivent, nous assumons pleinement notre plaisir.
- Publication 2 797 vues8 décembre 2017
- Tags Bertrand CantatBarclay
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Tracklist
- Amie nuit
- Amor Fati
- Silicon Valley
- Excuse My French
- L’Angleterre
- J’attendrai
- Les pluies diluviennes
- Anthracitéor
- Chuis con
- Aujourd’hui
- Maybe I