Les Black Lips étant désormais persona non grata en Inde, cela ne nous empêchera pas d’en parler. Surtout qu’ils font partie de la programmation du prochain Festival des Inrocks, où, nous l’espérons, ils ne laisseront pas une si mauvaise impression. Car, si le groupe traîne derrière lui une réputation de dépravé, cela est moins le cas […]
Les Black Lips étant désormais persona non grata en Inde, cela ne nous empêchera pas d’en parler. Surtout qu’ils font partie de la programmation du prochain Festival des Inrocks, où, nous l’espérons, ils ne laisseront pas une si mauvaise impression. Car, si le groupe traîne derrière lui une réputation de dépravé, cela est moins le cas sur l’album, lequel regorge de pépites, à condition que l’auditeur courageux soit un tant soit peu curieux et laisse son élitisme et son bon goût au vestiaire.
"200 Million Thousandé fait suite au déjà génial "Good, Bad, Not Evil". Enregistré en analogique, vintage à souhait, l’album fait la part belle au son bien crade hérité du rock garage, avec ses guitares tordues et la voix quasi inaudible du chanteur. Les Black Lips deviennent très intéressants quand surgit de nulle part un bon gros blues des bas-fonds comme sur Trapped In A Basement. Evoquant cette Amérique crade et marginale, les quatre mauvais garçons nous dispensent de l’american way of life. Certes, avec eux il n’est nulle question d’arrondir les angles, ils sont mal élevés et fiers de l’être. Mais cela ne nous gêne en aucune mesure. Ce qui nous réjouit par contre, c’est cette folie, ce foutoir généralisé, cette liberté de ton et de création, que l’on retrouve aussi chez les géniaux Deerhunter. D’ailleurs, cela ne nous étonnera guère de voir Bradford Cox pousser la chansonnette sur I Saw God. Ils partagent ensemble une jeunesse qu’ils ont décidé de vivre à fond, quitte à la brûler par les deux bouts, et à être taxés de « musiciens » bordéliques et indomptables. De même, les Black Lips, très fortiches, partagent un autre point commun avec leurs potes de Deerhunter, à savoir le fait d’ériger le mauvais goût au rang d’art. Non seulement, ce mauvais goût est clairement affiché, mais il est surtout traité avec classe, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
A l’écoute de la bombinette Short Fuse, sûrement l’hymne pop de cette année, l’évidence est là, c’est dans les arrières cours les moins proprettes des Etats-Unis que se concocte la pop libertaire actuelle. Le terrifiant Big Black Baby Jesus Of Today est un joli pied de nez au puritanisme et au racisme encore bien présent dans le Sud des Etats-Unis. Les Black Lips sont en quelque sorte des anti Ku Klux Klan, et prônent d’ailleurs haut et fort que certains de leurs membres ont du sang amérindien dans leurs veines. Old Man, un peu dans le même esprit, instaure une atmosphère de transe avec sa mélodie martelée, et en fumant la moquette on s’y croirait. Mais attention, car une fois bien inhalée la substance narcotique, arrive la cerise sur le gâteau, à savoir The Drop I Hold. Avec ses volutes psychédéliques, ce morceau est un véritable condensé du son des Black Lips, à savoir un grand n’importe quoi mais d’une classe folle.
Cet album est un sacré brûlot, salvateur et savoureux. Espérons dès lors que les autres pays sur la planète ne vont pas suivre l’exemple honteux de l’Inde, mais leur ouvrir bien grand les portes, car ce quatuor d’Atlanta mérite tous les éloges.
- Publication 393 vues19 septembre 2009
- Tags Black LipsVice Records
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