"> Bob Mould - Beauty & Ruin - Indiepoprock

Beauty & Ruin


Un album de sorti en chez .

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Le nouvel album de Bob Mould, le "Boss" du hardcore américain, remet les pendules à l'heure : il maîtrise toujours ce style mieux que personne !

Bob Mould, c’est un peu le Neil Young du punk hardcore : un homme à part, dont l’intransigeance et la constance lui ont permis de demeurer constamment pertinent alors qu’autour de lui les modes se sont succédé, éphémères. En termes d’influence, la liste des artistes s’inspirant du style qu’il a en grande partie forgé (avec Hüsker Dü puis Sugar) est tellement longue que cela pourrait en être risible. Bob Mould, c’est une icône, un symbole, une référence, indépassable ou presque. Ce statut, paradoxalement, n’aide pas à aborder simplement un nouvel album, car il faut l’accueillir à l’aune d’une discographie colossale, avec raison et réalisme. Écrit autrement : on se doute bien que l’on risque de rester en terrain connu et balisé avec ce nouveau disque (en termes de défrichage, d’innovation, d’expérimentation, Mould a pris largement plus que sa part, on peut lui reconnaître le droit au repos) ; il faut donc, sans être exagérément indulgent, l’écouter en sachant que les chances de retrouver la vigueur d’un « Copper Blue » sont faibles.

La très bonne nouvelle, c’est que « Beauty & Ruin » ne dépare absolument pas dans la discographie de l’Américain : voici un excellent album de hardcore mélodique, dans le droit fil de ce qu’il sait le mieux faire, inutile donc de feindre l’enthousiasme. Bob Mould explique avoir conçu ce nouveau disque comme un cycle autour de quatre thèmes : perte, introspection, compréhension et prospective. Cela n’a rien d’étonnant : il a toujours été attentif aux structures et aux thématiques de ses oeuvres et « Zen Arcade », il y a trente ans, avait déjà été conçu comme un concept album. Heureusement, on est très loin d’un objet conceptuel, pompeux et pénible. Si les changements d’humeur sont notables au cours du disque, la seconde moitié étant plus légère que l’entame, on retrouve surtout, avec un plaisir non feint, la voix et le son de guitare de Bob Mould et le son resserré du trio qu’il forme avec Jon Wurster et Jason Narducy.

Low Season, en ouverture, rappelle les sombres heures de « Beaster » : rythme lent, menaçant, refrains aux harmonies discordantes. Les guitares sont mixées très en avant, la voix est en nettement en retrait. L’orage gronde et Little Glass Pill, rapide et agressif, confirme le ton désespéré du début d’album. Après cette entrée en matière brutale, l’horizon s’éclaircit peu à peu : I Don’t Know You Anymore, avec sa progression d’accords aussi simple qu’efficace et sa mélodie imparable, est un single évident qui aurait pu figurer sur « Copper Blue ». Si des morceaux comme Nemeses Are Laughing se distinguent par des suites d’accords plus atypiques, la plupart des meilleures chansons reposent sur l’écriture canonique de Bob Mould, cette capacité jamais démentie à rendre uniques des mélodies limpides. On retrouve ainsi cet instinct pop sur Fire In The City, The War, Fix It ou encore Forgiveness.

La voix a un peu vieilli, ses limites sont peut-être plus sensibles que par le passé, mais le timbre très particulier de Mould est toujours bien présent : la personnalité immédiatement reconnaissable de ces morceaux lui doit beaucoup. Certains passages mettent d’ailleurs le chant en avant : le final en sourdine de The War clôt à ce titre parfaitement la première moitié du disque. En fin de parcours, Let The Beauty Be, plus calme, joue aussi beaucoup sur la voix de Bob Mould et sur ses approximations.

« Beauty & Ruin » ne réinvente rien : ce n’est pas vraiment ce que l’on attend de son auteur. Il rappelle en revanche avec autorité un fait tout sauf anodin : à cinquante ans passés, Mould réussit, avec la même énergie et la même pertinence à proposer une musique immédiatement reconnaissable, à cultiver toujours un style que d’autres se sont appropriés, mais qu’il maîtrise mieux que personne. Si le sobriquet n’était pas déjà pris, on pourrait le surnommer « le Boss ». Cela n’aurait rien d’immérité.

Chroniqueur
  • Publication 827 vues22 juillet 2014
  • Tags Bob MouldMerge
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