"> Diabologum - #3 - Indiepoprock

#3


Un album de sorti en chez .

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Diabologum a été le groupe "Inrocks" parfait et "#3" l'idéal parangon d'un certain style de rock indépendant expérimental, pop, cultivé, intellectuel ...

En 1996, les Inrockuptibles n’étaient hebdomadaires que depuis peu et même si le changement d’orientation était déjà palpable (via une interview approfondie de Michel Rocard par exemple), le titre gardait encore l’aura précieuse, intellectuelle que la rédaction avait su développer au cours des premières moutures d’un magazine bimestriel, puis mensuel, en noir et blanc puis en couleurs, un peu élitiste, sectaire même mais toujours ambitieux et exigeant. A cette époque, on annonçait la couleur en proposant un « Guide de bord (de la société du spectacle) » – en fait un Figaroscope intello – ou en portant aux nues les délires imbitables de Pierre La Police.

Dans un tel contexte, Diabologum a été le groupe « Inrocks » parfait et « #3 » l’idéal parangon d’un certain style de rock indépendant expérimental, pop, cultivé, intellectuel. Souvent poseur aussi, parfois franchement prétentieux. Le disque a recueilli des avis souvent très tranchés, ce qui se comprend assez aisément compte tenu de ses parti-pris clairement affichés et (volontairement ?) clivants. Pour ma part, j’avais à l’époque choisi le camp des sceptiques, gêné par l’intellectualisation à outrance de la démarche. Avec le recul, la mise en perspective est sinon facile, du moins possible et je dois reconnaître qu’il y a clairement une filiation entre Diabologum et certains artistes français actuels, pas les moins intéressants. Cette aura, indéniable, a de quoi surprendre, d’autant plus que le groupe n’a battu aucun record de vente et que ses disques, non réédités, sont difficiles à trouver autrement que sur des sites peu recommandables.

A la réécoute, le son de l’album frappe encore. La brutalité des parties de guitare et de batterie demeure impressionnante ; le contraste entre ces coups de boutoir soniques et des voix blanches, plus proches de la scansion que du chant crée un climat de tension permanente qui est peut-être une des qualités les plus remarquables du disque. Les plus beaux morceaux gardent toute leur force : De La Neige En Eté n’a pas pris une ride et le texte en reste un véritable tour de force entre anticipation et poésie ; 365 Jours Ouvrables nous dit toujours qu’il n’y aura rien a gagner ici mais avec quinze ans de plus, on le sait, on sait même que l’on va continuer à vivre quand même et qu’en définitive tout n’ira pas si mal…

Par contraste, les morceaux moins mélodiques, sur lesquels le groupe se lance dans des expérimentations sur le son en s’éloignant d’une base rock (Les Angles, Une Histoire de Séduction), accusent plus leur âge et l’intellectualisme de Diabologum y bascule trop souvent du côté obscur de la pose. Apogée de la démarche de Diabologum, La Maman et la Putain représente pour le meilleur et pour le pire tout ce que le groupe pouvait proposer. Basé sur le célèbre monologue de Françoise Lebrun dans le film de Jean Eustache, le morceau plaque un accompagnement lourd de guitares sur un texte à la fois très cru et très écrit : avec une telle idée, Diabologum ajoute de l’intellectuel à l’intellectuel mais propose à la fois une échappatoire sonore qui n’est, elle, que physique, instinctive. On peut ainsi trouver cela ridicule ou sublime, selon le jour et l’humeur…

Intelligent et cultivé mais parfois débordant trop de références, « #3 » cultive les paradoxes, époustoufle souvent, gonfle parfois. En définitive, on en vient à se dire que c’était peut-être le but recherché, que c’est peut-être également ce qui donne à ce disque son aura de plus en plus unique. Suffisamment engagé pour qu’il soit impossible de ne pas prendre parti pour ou contre, présentant à la fois tellement de facettes qu’il est difficile de ne pas y trouver, d’une façon ou d’une autre, son compte, « #3 » conserve encore une belle pertinence et parmi les disques français importants de l’époque, il ne fait pas pâle figure à côté d’un « 666.667 Club », loin s’en faut …

Chroniqueur

La disco de Diabologum