Ellen Allien

Souvent assimilée hâtivement à la vague « electroclash », l’allemande Ellen Allien mérite mieux que cette étiquette réductrice. Si elle excelle effectivement à livrer une musique synthétique à la fois efficace et pétrie de sonorités tout droit ressurgies des années 80, Allien a depuis longtemps fait la preuve que son talent pouvait s’affranchir d’un carcan trop restrictif. Son dernier album, « Thrills », fait notamment suite à l’excellent « Berlinette », paru en 2003, dans lequel Ellen Allien démontrait une saisissante capacité à délivrer une électro à la fois dansante et élégiaque.

Ce nouvel album frappe immédiatement par sa rugosité : alors que « Berlinette » offrait un versant pop très attractif, Thrills se veut sec, cru, austère. Ellen Allien accentue délibérément le coté martial voire agressif de sa musique. Le résultat : dix pistes sans concessions, où l’allemande fait une fois de plus la preuve de sa maîtrise rythmique hors du commun, sur Naked Rain, le meilleur morceau de l’album, ou sur l’également excellent Down. Mais au-delà d’une efficacité rarement prise en défaut, la monotonie pointe parfois le bout de son nez, notamment sur une fin de parcours un tantinet pénible, et l’ensemble paraît plus froid, plus hermétique. Même les rares paroles, chantées en anglais, sonnent étrangement beaucoup plus machinales, glacées que les strophes en allemand qui émaillaient « Berlinette ».

Ne jouons pas les fines bouches : « Thrills » est un très bon album. Mais il lui manque cruellement la grâce mélodique lumineuse d’un Sehnsucht. On peut évidemment admirer l’intransigeance de la démarche d’Ellen Allien, qui refuse de surfer sur la vague d’un succès grandissant ; mais on regrettera aussi cette sensibilité pop qui faisait de « Berlinette » un album de crossover presque parfait, à la fois accessible et expérimental. Plus exigeant, plus dur, « Thrills » risque de ne convaincre que les plus endurcis des fanatiques d’electro, et de laisser les autres à quai.