Où en est le groupe d'Oxford ?
Quand Foals est apparu dans le paysage il y a déjà plus de dix ans, on parlait à l’époque de l’avènement du math-rock, énième style à tiroirs à ficher la migraine et, plus prosaïquement, on s’était emballés pour un groupe capable de trousser des morceaux imparables en s’affranchissant des dynamiques traditionnelles de la pop. Puis, quand juste avant la sortie de « Total Life Forever », leur second album, en 2010, ils avaient fait la fine bouche en prétendant partout que leur premier opus avait été en partie gâché par la production de David Sitek et qu’ils allaient faire beaucoup mieux, on a commencé par croire qu’ils attrapaient le melon avant de rester bluffés par l’album proprement dit, impressionnant par sa propension à casser tous les codes de la pop sans pour autant glisser vers un expérimentalisme trop accru. Bizarrement, c’est alors qu’on croyait avoir affaire à un groupe qui savait plus que tout autre où il voulait aller et comment que les pistes se sont brouillées. « Holy Fire » leur troisième album, a ainsi montré quelques atermoiements entre volonté de garder une fibre atypique tout en allant vers plus d’efficacité, voire parfois de muscles, et en 2015, avec « What Went Down », on a carrément perdu le fil tant l’album cherchait à empiler sans grâce morceaux à grosse production sans lâcher la volonté de se jouer des schémas classiques.
Conséquence, on aborde ce cinquième album avec quelques inquiétudes, beaucoup d’interrogations et quelques espoirs. Ce qui semble certain est que la troupe n’a en aucune manière la volonté d’en rabattre sur l’ambition puisque « Everything not Saved Will Be Lost Part 1 » s’annonce, comme l’indique la fin du titre, comme le premier volet d’un projet dont le second se dévoilera à l’automne. Autre certitude, Foals n’allait pas livrer un album standardisé, vite catalogué, leur volonté de ne pas entrer dans des schémas trop évidents étant une constante chez eux, on l’a dit. Mais comme c’était paradoxalement aussi devenu un écueil, on ne sait plus trop s’il faut s’en réjouir ou pas.
Après quelques morceaux, le premier élément qui frappe est d’ordre formel. Comme nombre d’artistes ces dernières années, ce qui nous rappelle un phénomène déjà observé à la charnière des années 90/2000, Foals délaisse ses guitares au bénéfice de gimmicks et sonorités electro. Mais si, en soi, c’est sans doute un nouveau défi pour le groupe, cette évolution est, d’un point de vue extérieur, relativement anecdotique, sachant que l’originalité du son de Foals était justement une capacité à s’emparer de dynamiques qui rappelaient l’electro avec des guitares… Cette nouvelle approche ressemble donc à un coup d’épée dans l’eau et c’est définitivement sur le fond qu’on attend le groupe. Sans surprise, une première écoute ne permet pas de se faire un réel avis. Tout juste sent-on que « Everything Not Saved Will Be Lost » est un album que ses auteurs ont voulu dense, qui n’offre pas beaucoup de respirations, hormis sur sa conclusion quand une boucle de piano guide I’m Done With The World (& It’s Done With Me). Quand on y revient, on commence par apprécier l’introductif Moonlight, conçu comme une lente montée progressive avant la mise à feu d’Exits, premier single déjà dévoilé, groovy et plutôt bien troussé s’il ne souffrait de son pont interminable au milieu qui n’a d’autre intérêt qu’étirer le morceau pour le différencier d’un single pop plus « classique ». C’est ensuite sur les quatre titres suivants que se joue l’ambition et la réussite globale ou non de l’album. Et, il faut le dire, on se sent un peu comme un arbitre de foot qui fait appel à la vidéo et se repasse les images sous tous les angles avant de prendre sa décision, car ces quatre titres sont sur un fil. Pas trop White Onions qui se révèle assez vite une machine concise et tranchante qui fait du bien. En revanche, In Degrees et surtout Syrups sont deux pièces tortueuses, qu’on a davantage de mal à définir. Et finalement, le côté afrobeat de In Degrees fait son petit chemin, la structure complexe mais bien tenue malgré sa bifurcation en milieu de parcours de Syrups s’impose et nous fait retrouver le Foals qu’on aime, toujours mouvant, audacieux, mais qui connaît sa route. Il devient alors plus facile d’apprivoiser Cafe d’Athens et ses gimmicks quasi-expérimentaux et de se faire à l’emphatique Sunday. Et, au final, on découvre un album plus aéré qu’on ne le croyait au départ. Certes, que ce soit dans les plus complexes ou les plus directs, on ne retrouve pas de morceaux aussi puissants que sur les deux premiers albums du groupe mais, dans l’ensemble, Foals se recentre sur son style à part, sans non plus se répéter. On parlera de première étape vers une réhabilitation, sachant que la seconde ne tardera pas à arriver.