On voit d’ici poindre des réflexions acerbes quant au choix très "mainstream" d’une telle critique. Ce serait oublier que si Louise Attaque et ses membres ont bien dépassé les limites d’un auditoire confidentiel, si le succès et la reconnaissance critique en ont fait des personnages d’une forte stature sur le plan français, c’est bien d’une […]
On voit d’ici poindre des réflexions acerbes quant au choix très "mainstream" d’une telle critique. Ce serait oublier que si Louise Attaque et ses membres ont bien dépassé les limites d’un auditoire confidentiel, si le succès et la reconnaissance critique en ont fait des personnages d’une forte stature sur le plan français, c’est bien d’une certaine scène indépendante dont ils sont issus. Après tout, nombre de groupes incontournables de la scène musicale d’aujourd’hui sont des pépites de la sphère indie, qui ont su concilier succès massif et intransigeance artistique. R.E.M. aux Etats-Unis, Radiohead en Angleterre ou Noir Désir en France en sont les exemples évidents. Qui plus est, il y a toujours lieu de se réjouir lorsque des artistes "bankable" se font les hérauts de l’exigence, prennent des risques, refusent de servir la soupe à un grand public souvent méprisé. C’est donc avec une certaine curiosité que l’on se lance dans l’écoute de "Ginger", premier album solo du leader de Louise Attaque.
Musicalement, on nous vend un Gaëtan Roussel à la recherche de groove, de rythmes entraînants. Dans la pratique, on se trouve, certes, assez loin des violons et guitares sèches de Louise Attaque ; on conseillera tout de même, pour animer les pistes de danse, de se rabattre sur des valeurs plus sûres. Des tentatives, des paris, en revanche, ce disque en regorge, ce qui est déjà estimable – toutefois un essai ne fait pas forcément une bonne chanson. A l’image de son auteur, "Ginger" est un album insaisissable : parfois très énervant ou au contraire séduisant.
De ce premier effort, on retient plutôt l’impression d’écouter l’album d’un débutant peu sûr de lui que l’oeuvre d’un artiste majeur, sûr de sa stature – et c’est bien ce qui gêne en définitive. Des chansons réussies, il y en a, du single Help Myself, entraînant et addictif, au mélancolique Dis-moi encore que tu m’aimes en passant par plusieurs autres bons moments. Mais pour une bonne chanson, pour une idée séduisante (coups de chapeau inspirés à Tom Waits sur Clap Hands ou à Angelo Badalamenti sur Trouble), on trouvera autant de ratages piteux (Tokyo, Si l’on comptait les étoiles).
On peut se réjouir ce cette approche décomplexée, parfois ludique, légère, propice aux essais, aux paris. On peut aussi regretter que Roussel prenne systématiquement la tangente, refuse de faire preuve d’ambition finalement, peut-être par peur d’endosser un costume qu’il estime trop grand pour lui. D’autres – trop peu – le font. On retrouve la même légèreté dans les textes, globalement médiocres, répétitifs, sans véritable intérêt.
Que retenir de "Ginger" en définitive ? Certes, ce n’est pas un mauvais album, loin de là. "Pas mal", pourrait-on écrire, mais la musique regorge de disques "pas mal". C’est triste à dire, mais pour avoir son utilité dans la scène française, Gaëtan Roussel va devoir s’acheter un peu d’ambition et d’inspiration.
- Publication 494 vues21 avril 2010
- Tags Gaëtan RousselBarclay
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