"> Happy Mondays - Pills'n'Thrills and Bellyaches - Indiepoprock

Pills’n’Thrills and Bellyaches


Un album de sorti en chez .

9

Parler des Happy Mondays sérieusement relève d’un exercice aussi périlleux et vain que celui de fournir une exégèse de la pensée de Florent Pagny. Par sa nature excessive, furieusement hédoniste, vicelarde, le groupe mancunien surpasse le réel, se refuse à l’analyse à froid ; plus qu’un groupe, le collectif de petites frappes mené par Shaun […]

Parler des Happy Mondays sérieusement relève d’un exercice aussi périlleux et vain que celui de fournir une exégèse de la pensée de Florent Pagny. Par sa nature excessive, furieusement hédoniste, vicelarde, le groupe mancunien surpasse le réel, se refuse à l’analyse à froid ; plus qu’un groupe, le collectif de petites frappes mené par Shaun Ryder s’apparente à une troupe de personnages de cartoons et évoque les excès délirants et comiques d’un Spinal Tap revu à la sauce baggy. Comme un bon Tex Avery, l’écoute des Mondays plonge fatalement l’auditeur dans une sorte d’euphorie égrillarde.

Bien sûr, il faut également reconnaître la part sombre du groupe, la face cachée de la vague Madchester, cette vilaine tendance à l’autodestruction via consommation massive de drogues qui a fait de Shaun Ryder et des siens (Bez en particulier) des épaves bien avant l’heure – leur reformation et la tournée prévue cet été seront l’occasion de relever d’effrayants compteurs. Comme les Ramones pour le punk, les Happy Mondays représentent la face la plus débridée du phénomène Madchester et en synthétisent également les excès les plus effrayants, les drames les plus pathétiques.

Les Happy Mondays ont construit leur style sur un mélange artisanal et peu rigoureux de funk, de rock et de pop, avec un sens du groove qui symbolise à lui seul le style Madchester. Musicalement, c’est sans aucun doute « Pills’n’Thrills and Bellyaches » qui met le mieux en valeur le groupe, grâce au son parfait mis en place par Paul Oakenfold et Steve Osborne… pourtant il s’agit également du disque sur le son du groupe est le plus éloigné de ses origines. Oakenfold et Osborne succèdent à l’immense Martin Hannett ; on se gardera bien de formuler des réserves sur le travail de Hannett (bien qu’à cette époque son jugement n’ait probablement pas été toujours limpide) mais force est de reconnaître que Oakenfold renouvelle totalement la musique des Happy Mondays. L’intelligence de sa production est de s’éloigner des standards du producteur attitré de Factory (son agressif, chargé d’écho) pour placer la bande de Shaun Ryder dans un cocon aux confluents du funk, de la pop et de la musique électronique de l’époque.

Ce parti-pris pervertit certainement la musique des Happy Mondays en lui donnant un tour plus lisse, en gommant le côté joyeusement bordélique de « Bummed » mais c’est également ce qui donnera à l’album cet éclat particulier – on le sent d’ailleurs dès l’introduction de Kinky Afro : une nappe synthétique riche en glucose enrobe généreusement un gimmick de guitare accrocheur et répétitif et propulse directement l’auditeur sur orbite chimique. C’est mélodique et dansant, c’est pop, funky et la fois un peu planant : le son des Mondays n’est plus le même mais ce nouvel alliage les propulse tout droit dans la stratosphère. Le hit Step On montre encore mieux l’ouverture du groupe vers une véritable musique de danse, festive et hédoniste. Sur la base de cet alliage imparable entre un groove physique, moite et musqué et un état d’esprit envapé, euphorique, extatique dans tous les sens du terme, le groupe aligne une série de riffs imparables (God’s Cop, Grandbag’s Funeral) et de vilaines cochonneries funk bien salaces (Bob’s Yer Uncle).

« Pills’n’Thrills and Bellyaches » est certainement autant, si ce n’est plus, l’œuvre de son producteur que celle des Happy Mondays, mais cela ne nous empêche pas de goûter cette délirante décoction. Une véritable bacchanale en quelque sorte, en même temps qu’un véritable document historique sur son époque, une tornade dont on ressort vaguement ébahi mais surtout en pleine euphorie.

Chroniqueur

Tracklist

  1. bills+pills

La disco de Happy Mondays