Le métissage dans sa plus belle expression.
Métissage, world music, quel que soit sa dénomination, la rencontre de différents univers musicaux aboutit bien souvent au cannibalisme des autres styles par un prédominant. On ne peut pas dire que « 4ème jour » n’est pas de ceux là. Peut-être sont-ce nos habitudes qui nous font plus remarquer les rythmes arabisants ou juste le oud de Khaled Aljaramani, mais c’est après quelques écoutes que l’on saisit plus l’apport de Serge Teyssot-Gay.
Voilà donc un quatrième album pour un des nombreux projets d’un des guitaristes français les plus aventureux. Zone Libre, Ciné concert, duo avec Rodolphe Burger et j’en passe, notre homme et sa six cordes ne connaissent pas le répit.
Teyssot-Gay a une notion forte qui traverse son oeuvre, la notion de zone. Entre casser des frontières ou s’aménager des espaces de liberté, l’artiste manie ce découpage comme une source d’expression qui se suffirait presque à elle-même. Avec Interzone le sujet est de trouver une langue commune, il s’agit d’une discussion qui se mue en une sorte d’Esperanto musical. Chacune des deux tendances de nos artistes abordent des sensations universelles, introspection, voyage, montées en puissance, etc… Et inexorablement, la discussion s’achemine vers une forme de symbiose, sans vampirisation, au contraire, de nos premières impressions.
C’est beau, méditatif, excellemment arrangé. Alors d’aucun y trouveront certaines longueurs mais il s’agit d’un vrai travail au long court. Aux antipodes de la culture de l’instantané, les deux artistes prennent le temps d’installer les ambiances, sans jamais perdre la pertinence du propos. L’auditeur a un devoir avec ce type d’oeuvre, il n’est pas le spectateur de l’expressivité des artistes, mais se doit de s’y immerger sans quoi il n’y trouvera qu’un joli tableau, au mieux. Les variations, les schémas que nous offrent Interzone n’ont d’autre buts que de retraduire dans une nouvelle langue des états qui nous sont tous communs. Il faut s’y ouvrir pour en ressentir la force. C’est à ce prix que l’on se sent un peu plus ouvert, ressentant ce mariage comme un but naturel et source d’un apaisement certain. Il est dur de s’éviter l’écueil d’évoquer l’ambiance sociétale du moment, car il y a clairement une forme de réponse aux déviances simplistes de nos sociétés dans de telles œuvres. On en vient alors à penser à ces mots de Brel : « la bêtise, c’est de la paresse« . « 4 ème jour, Kan Ya Ma Kan » nous demande un minimum d’implication, et c’est tant mieux.
- Publication 1 577 vues13 mars 2019
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