Jamie XX

Le second album tant attendu de Jamie XX.

Il est finalement assez frappant que, au sein d’une formation, The XX, où deux des protagonistes se partagent le chant, et donc, par extension, le premier rôle, ce soit finalement celui censé occuper le rôle de l’ombre, celui de l’ambiance générale des morceaux, qui se retrouve à être le plus plébiscité. Mais si Romy Madley-Croft et Oliver Sim, les comparses de Jamie XX, ne sont pas pour autant devenus des seconds couteaux, dès « Coexist’, le second album du groupe publié en 2012, il est devenu évident qu’on tenait avec Jamie XX un petit génie des sons. On a alors guetté ses moindres faits et gestes et « In Colour », son premier album solo en 2015, logiquement plébiscité, l’a définitivement consacré. Et dès sa sortie, il a paru comme une évidence que ce disque ne serait pas une escapade éphémère en dehors du groupe mais bien les débuts d’une vraie carrière solo. Sans pour autant que Jamie XX l’ait lui-même décrété.

Et pourtant, il aura fallu neuf ans pour que, enfin, le successeur de « In Colour » arrive sur nos platines. Dans l’intervalle, The XX en tant que groupe ne se sont pourtant pas montrés spécialement productifs, n’éditant qu’un seul album ensemble, avant de s’éparpiller quelque peu dans des projets solo, sans vraiment s’éloigner toutefois puisqu’on retrouve toujours les autres en featuring sur le projet de l’un ou l’autre. « In Waves » ne fait pas exception puisque Romy et Oliver Sim viennent donner de la voix sur le très réussi Waited All Night. Et s’il a fallu aussi longtemps pour que « In Waves » nous arrive, il faut le mettre en partie sur le compte du côté perfectionniste de son auteur. Cela faisait en effet quatre bonnes années que Jamie XX planchait sur un nouvel album. Quatre années, ça nous ramène à 2020, fameuse année de pandémie qui, il faut bien lui trouver des côtés positifs, aura contraint Jamie XX, infatigable globe-trotter, à se poser un peu et à songer à un nouvel album. Un nouvel album, aspect immédiatement frappant à la première écoute, davantage porté vers le dance-floor que son prédécesseur. Une évolution qui pourrait faire dire à certains que c’est aller vers plus de facilité, mais ce ne serait pas tout à fait exact.

En effet, parmi les figures qui ont marqué l’histoire de l’electro, on a souvent connu le chemin inverse, à savoir des débuts marqués par une culture dance avant, petit à petit, de s’en éloigner pour finir parfois dans une démarche expérimentale et cérébrale. Jamie XX, lui, qui apparaissait sur « In Colour » avant tout comme un virtuose des collages sonores et des ambiances doucement mélancoliques qui faisaient onduler lentement plutôt que franchement danser, semble mettre davantage le fun en avant. Une démarche qu’on peut pourtant juger comme importante à une époque où la pandémie, on y revient, a généré du repli sur soi, une tendance au cocooning et mis à mal la culture club, y compris dans des villes comme Berlin. Jamie XX, en célébrant sur « In Waves » les racines de la culture electro, peut contribuer peut-être à lancer un renouveau pour celle-ci.

En outre, sur « In Waves », il ne cède quasiment jamais à la facilité. La seconde partie de Breather, le final de Falling Together, portés par la trans, peuvent éventuellement apparaître comme assez balisés, et encore… Parallèlement, les samples de cuivres hyper-efficaces de Life et Baddy On The Floor sont irrésistibles. Ailleurs, sur Dafodil et Waited All Night, Jamie XX tresse de petits trésors de composition en alliant sa tendance toujours doucement mélancolique à son goût pour la soul. En conclusion, en 2024 comme en 2015, Jamie XX se montre toujours aussi virtuose et important pour l’electro, et bien au-delà.