La Maison Tellier a de bien nobles accointances, qui se situent du côté de Bashung, Noir Désir, Moriarty et Syd Matters pour la France, ou encore Leonard Cohen, Neil Young et Calexico pour l’Amérique du Nord. Cette volonté farouche de ne pas choisir son camp, de passer de chansons en français à des morceaux chanté […]
La Maison Tellier a de bien nobles accointances, qui se situent du côté de Bashung, Noir Désir, Moriarty et Syd Matters pour la France, ou encore Leonard Cohen, Neil Young et Calexico pour l’Amérique du Nord. Cette volonté farouche de ne pas choisir son camp, de passer de chansons en français à des morceaux chanté dans un anglais parfait, faut-il le souligner, s’explique par une imagination débridée, une Amérique plus fantasmée que réelle, de celle qui existe autant dans les romans de Cormac McCarthy que dans les films de Jarmusch, on pense notamment à Dead Man, ou aux Frères Coen.
La très forte personnalité du collectif rouennais se reflète bien évidemment dans sa musique. Pour bien comprendre, il faut se pencher sur son mode de fonctionnement, chacun apporte une idée de chanson, la soumet aux autres membres, et est approuvé de manière tout à fait démocratique. Ce qui fait qu’au final, chaque morceau a sa propre ambiance, son atmosphère et son style tout à fait unique. Même si, bien entendu, un fil rouge invisible parcourt le disque de bout en bout.
Le morceau d’ouverture, Babouin, rend hommage aux bandits de grand chemin, épris de liberté, sur un air de guitare folk. Puis, Five Years Blues s’en va dans des explications entre anciens amants, le tout dans un blues qui prend aux tripes. Suite Royale, un chef-d’œuvre à lui tout seul, est un morceau fantastique, marqué par un jeu de guitare agile et une trompette qui lorgne du côté de Calexico. L’homme a tout perdu à Las Vegas et doit rembourser une dette de jeu, tandis que sa compagne lui annonce qu’elle est enceinte. Tout est là, le désespoir à force de vivre une vie aux limites de la loi, et la promesse d’une nouvelle ère qui s’annonce. Le chant particulièrement exalté d’Helmut Tellier rend ce morceau d’autant plus poignant. La Peste est une comptine folk particulièrement attachante.
Sur Mount Forever, les frères font usage d’harmonies vocales sublimes, qui n’ont rien à envier à leurs cousins anglophones. Laissez Venir renoue avec le frisson qui nous a parcouru à l’écoute de Suite Royale, les guitares sont en ébullition, la trompette évite l’écueil de la pâle copie mariachi et sert de colonne vertébrale à un morceau au rythme qui vire vite à la transe. Le morceau-titre, L’Art De La Fugue, est encore, lui, bercé par cette trompette, que l’on ne veut plus lâcher, comme un talisman. Il en va de même pour Goldmine, et on a envie de plaquer notre morne vie de citadin pour partir avec les frères Tellier à l’aventure ! Maxime Prieux du groupe The Elektrocution, aussi présent sur Please Do, chante sur Josh The Preacher, et nous rappelle le versant noir du rêve américain, celui dominé par des évangélistes aux intentions machiavéliques, sauf que celui-ci n’a pas le dernier mot. Les chœurs sur Mexico City Blues sont habités par la fatigue des marches harassantes entre les Etats-Unis et le Mexique, et ce morceau hésite constamment entre tension tragique et éclairs lumineux. La Maison Tellier chante la deuxième partie de Il N’est Point De Sot Métier, morceau présent sur leur premier album éponyme, en duo avec la chanteuse Lippie. No Name, qui ressemble à s’y méprendre à du Simon and Garfunkel, clôt ce très riche album avec une adorable ballade.
La Maison Tellier, a signé, avec « L’Art De La Fugue », un album absolument beau, qui s’accroche à notre cœur pour ne plus en redescendre. La fratrie nous ouvre, pour la troisième fois, les portes de son univers, et on s’y plonge avec délectation, conscient des dangers d’une telle vie, sauvage et aventureuse, mais au combien belle, car sincère et authentique au possible. Du très grand art, qui mérite des félicitations et des remerciements chaleureux.
- Publication 700 vues26 mars 2010
- Tags La Maison Tellier3eme bureau
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La Maison Tellier sur la route
Tracklist
- I Forgot That You Existed
- Cruel Summer
- Lover
- The Man
- The Archer
- I Think He Knows
- Miss Americana & The Heartbreak Prince
- Paper Rings
- Cornelia Street
- Death By A Thousand Cuts
- London Boy
- Soon You’ll Get Better (feat. The Chicks)
- False God
- You Need To Calm Down
- Afterglow
- ME! (feat. Brendon Urie of Panic! At The Disco)
- It’s Nice To Have A Friend
- Daylight