Miss Platnum

La Roumanie reste un vrai terrain vierge à explorer, s’agissant de sa scène musicale. Il aura fallu qu’émerge du Berlin underground une Roumaine d’origine allemande du nom de Miss Platnum, pour que l’on daigne enfin s’intéresser à ce pays coincé entre l’Europe Centrale et les Balkans. De son vrai nom, Ruth Maria Renner, dotée d’une voix absolument craquante, elle s’est engouffrée dans un style musical jugé ingrat, le r’n’b, mais en y apportant des éléments très personnels, un bagout, des cuivres tziganes, un sens de l’humour très particulier et beaucoup de culot. Sorte de version européenne de Missy Elliott, elle déboule sur nos platines, celles-ci vont s’en souvenir.

En vraie épicurienne, Miss Platnum veut faire partager sa philosophie de la vie, sur deux morceaux décoiffants, Butter et Give Me The Food. Cette liberté de ton, en toute franchise, est une bénédiction de nos jours. Give Me The Food est un tube énorme, très au-dessus du lot de ces morceaux sans âme ramassés à la pelle sur MTV. Accoupler des cuivres dignes des bandes originales d’Emir Kusturica avec du r’n’b basique, semble être un pari jugé impossible, mais heureusement réussi, et ceci sans aucun mauvais goût.

Chanté en duo avec Peter Fox, le rappeur du groupe hip-hop allemand Seeed, Come Marry Me met en parallèle les deux pays chers au cœur de Miss Platnum, ses racines roumaines, certes envahissantes et l’Allemagne, pays moderne et riche, mais assez coincé. Sur Life, Miss Platnum se calme un peu, et nous offre un moment d’anthologie en chanteuse de charme languissante, digne des divas de la soul, et en profite pour piétiner sur les plates-bandes de la déglinguée Amy Winehouse. N’évitant malheureusement pas l’écueil de la chanson d’amour de bas étage, étape obligatoire sur tout album de soul, avec Voodoo, elle sauve néanmoins les meubles grâce à sa voix éblouissante. Puis, déboule Chefa, princesse en roumain, sorte d’autoportrait de Miss Platnum, en pleine crise schizophrénique, entre son habit de scène rutilant, et la discrète Ruth dans la ville.

La voix de Miss Platnum est à peine reconnaissable sur Snakepit. Mix déconcertant de cuivres roms, de beats trépidants, cette vraie bombe secoue dans tous les sens les pistes de danse de Bucarest et Berlin, réunies dans un grand barnum. Sur Sinking Boat, elle joue encore les grandes imploreuses slaves, avec un coffre impressionnant, et évoque les chœurs de l’Armée Rouge, au second degré bien sûr.

Véritable tornade, cette hybride n’est à ranger dans aucune case, et son panache apporte beaucoup de fraîcheur à la musique. Miss Platnum est une vraie chefa, une reine. 2009 est enfin l’année de la consécration, après une traversée du désert suite à l’échec de son premier album, et on ne lui souhaite qu’une chose, que le conte de fée se poursuive.