La nippo-américaine Mitski poursuit sa remarquable progression avec un 5ème album qui la voit prête à se réinventer en popstar.
Ceux qui, comme nous, ont découvert Mitski avec le rageur « Bury Me At Makeout Creek », son troisième album paru en 2014, n’auraient probablement pas parié la revoir 4 ans plus tard avec un single aussi dansant, tubesque et synthétique que Nobody et son addictif refrain. C’est pourtant bien le chemin qu’elle s’est choisi, délaissant ses côtés les plus expérimentaux et abrasifs pour plus d’efficacité et de pertinence.
« Be The Cowboy » est en effet le premier album de Mitski qu’on a plaisir à écouter du début à la fin, là où ses albums précédents étaient souvent phagocytés par quelques titres très forts (Your Best American Girl, I Bet On Losing Dogs sur « Puberty 2 ») qui finalement pouvaient desservir le reste. Ici, chaque titre se présente comme une pièce indispensable à l’ensemble, du disco Why Don’t You Stop Me au théâtral Geyser en passant par le piano d’A Horse Named Cold Air, le post punk de Washing Machine Heart ou la ballade Two Slow Dancers. Les titres sont très courts, ce qui évite le superflu mais peut également être frustrant pour l’auditeur, comme si certains morceaux étaient incomplets alors qu’on imagine que Mitski n’aurait eu aucun problème à développer certaines idées. Ce format lui permet cependant d’explorer de nombreux styles sans jamais lasser et de prouver une nouvelle fois son indéniable talent mélodique au travers de ces vignettes variées.
Ce qui n’a pas changé par rapport aux albums précédents, ce sont les thèmes abordés : les cœurs brisés, la solitude, et la force nécessaire pour s’en sortir. Elle se joue des contrastes et des paradoxes, se présentant tour à tour comme la personne la plus vulnérable au monde, puis comme une femme forte, séductrice et indestructible. Ces paroles seront d’ailleurs sûrement le point le plus clivant de cet album et il vaut mieux ne pas être réfractaire aux penchants émo et dramatiques pour apprécier le point de vue souvent poétique et mordant de Mitski. Malgré des paroles très brutes et honnêtes, elle parvient à conserver tout son mystère. « Be The Cowboy », bien que plus accessible que le reste de sa discographie, porte néanmoins en lui tout l’inconfort et l’étrangeté de son auteure. C’est par exemple le cas sur la sublime Me And My Husband qui peut d’abord paraître optimiste et joyeuse mais se révèle bien vite pathétique et malaisante.
Beau, émouvant et contrasté, « Be The Cowboy » s’impose, grâce à ses inoubliables saynètes douces-amères, comme l’un des meilleurs albums de l’année. En 30 minutes, Mitski parvient à en dire beaucoup, à aborder des styles très variés avec une efficacité rare, et à prouver une nouvelle fois l’étendue de ses talents, que ça soit sur le plan de l’écriture, de la composition, du chant ou du jeu de guitare… Tout ici impressionne. Plus pop qu’auparavant, l’album garde néanmoins assez de mystère et d’inconfort pour ne pas lasser malgré des écoutes répétées. On a maintenant hâte de découvrir la suite d’une oeuvre musicale qui s’annonce passionnante !
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- Publication 1 223 vues20 septembre 2018
- Tags MitskiDead Oceans
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