Lorsqu’on cherche à en savoir plus sur les nouveaux venus canadiens de Pas Chic Chic, on apprend rapidement que certains membres ont fait partie de Godspeed you ! Black emperor. L’aventure de ce groupe référence ayant durablement marqué les esprits, il n’est pas surprenant de voir ce fait d’armes inscrit sur leur CV. En revanche, à l’écoute d’"Au contraire", leur premier album, on se dit que ça risque de créer quelque peu la confusion. Car autant prévenir d’entrée que ceux qui auraient des velléités de s’intéresser à ce disque en espérant y retrouver un peu de l’univers épique de Godspeed risquent de vite déchanter. Deuxième écueil, "Au contraire" est de ces disques qu’on a très vite la tentation de stopper net, croyant avoir vite compris à quoi on a affaire. Car disons qu’en gros, l’album est un condensé de pop sixties à la française (on pense à Gainsbourg écrivant pour Bardot ou autres), relevé d’une touche psyché et un brin lo-fi. Et force est de reconnaître que depuis les travaux de Burgalat et de l’écurie Tricatel, ce genre d’albums, on en a vu passer quelques-uns, avec plus de bas que de hauts.

Et puis, quand on persévère, quelques éléments nous accrochent. D’abord, on distingue que l’ensemble est chanté en français, mais qu’on ne comprend pas grand-chose à ce qui se dit, les voix étant traitées comme un instrument comme un autre et se mêlant à l’ensemble. Ce qui, paradoxe, a tendance après quelques écoutes à distiller un certain charme en créant une impression de familier et d’étrange. De fait, quand on creuse un peu se révèlent des paroles un peu scabreuses, mais où il est plus question de la musicalité des mots qu’une quête de sens à tout prix ; approche plus anglo-saxonne que francophone. Ce qui nous amène à nous laisser porter par les mélodies, les arrangements d’orgue vintage et les petits refrains biens sentis, Haydée morcelée et En chaîne et en vogue en tête. Puis on se laisse intriguer par ces collisions entre la voix naïve de Marie Douce, présente sur plusieurs morceaux, et la rythmique métronomique et concrète de Brise méprise, et on commence à trouver de l’épaisseur à ce disque. Sur Vous comprenez pourquoi, la dynamique toute simple du morceau se pare d’un grain noisy, et on se rappelle que Sonic Youth avait également clamé son amour pour la musique française et s’était amusé à y mêler ses distortions il y a quelques années.

Ce qui fait qu’au final, avec patience, on y revient et qu’on se surprend sans vergogne à taper du pied sur Se mirer mare, à déceler ses cuivres à l’avenant. On se remet alors à les reconsidérer, un sourire aux lèvres, conscients qu’on trouve là des choses qu’on a souvent eues à portée d’oreilles, qui nous ont parues un rien désuètes. Il n’est cependant pas si étonnant que cela vienne d’un groupe d’outre-atlantique, ce disque ayant tendance à conforter l’axiome qui veut qu’on ne soit plus conscient de la valeur des choses lorsqu’on les a près de soi.