"> Phosphorescent - Here's To Taking It Easy - Indiepoprock

Here’s To Taking It Easy


Un album de sorti en chez .

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Avant "Muchacho", Phosphorescent avait déjà plusieurs albums à son actif, dont ce magnifique "Here's To Taking It Easy"

En découvrant Phosphorescent en 2013, lors de la sortie du colossal « Muchacho », nous n’avions pas encore conscience que le groupe officiait depuis plusieurs années déjà ; en fait depuis près d’une décennie. L’envie était donc forte de se plonger dans cette discographie méconnue, à commencer par « Here’s To Taking It Easy », le précédent album de Matthew Houck (l’homme presque seul derrière Phosphorescent) : déjà une réussite majeure.

Commençons par un aveu : la pop, c’est important – qui serais-je pour oser nier l’apport des Beatles, des Smiths ou des Kinks à la culture populaire du 20ème siècle ? Néanmoins, quand il s’agit de trouver de véritables héros, des figures tutélaires, c’est vers l’outre-Atlantique que je préfère me tourner. De Neil Young à Johnny Cash, de la folk à la country en passant par tous les registres de ce que l’on nomme, par facilité, americana, les Etats-Unis nous fournissent les pères dont nous avons besoin. Cette tradition de la musique américaine est l’une des plus importantes du rock, aussi faut-il apprendre à en aimer les héritiers. Là encore, d’Okkervil River et Shearwater à Midlake, les candidats à la relève sont nombreux, quoique de pertinence variable. Phosphorescent fait clairement partie de cette nouvelle garde et l’on peut même dire, avec un peu de recul maintenant, qu’il en est un des plus talentueux représentants.

Matthew Houck habite Brooklyn, ce qui en soi représente une surprise, tant la musique qu’il compose travaille sur tous les registres de l’americana : country, gospel, folk, tout y passe. A écouter ses chansons, on l’imaginerait ainsi très bien en hobo lunaire, sillonnant à bord d’un pick-up poussiéreux des routes rectilignes dont la trajectoire se perd dans un horizon oscillant au gré des vagues de chaleur exhalées par le bitume. On est très loin, autant le dire, des travaux plus intellectuels et urbains des principaux artistes du moment à Brooklyn (The National, Sharon Van Etten, Sufjan Stevens …). Peut-être retrouve-t-on ici les origines sudistes de Houck, né en Alabama ; en tout état de cause, dès la première écoute, on se trouve en terrain connu… On les connaît par coeur, ces complaintes de cow-boy un rien rustaud mais tellement fragile, ces ballades à l’odeur tenace de bourbon ! C’est sûr, renouveler le rock américain n’est pas chose facile et ce n’est de toute façon pas le propos de Phosphorescent, qui travaille des motifs classiques pour mieux en tirer la substantifique moëlle. Du classique, donc, mais du classique formidablement écrit et interprété, une musique chargée d’esprit et de sincérité – si le terme de « soul music » n’était pas déjà pris, il faudrait peut-être l’appliquer. L’esprit ici accapare la forme pour mieux la transcender, une chose rare. Il suffit d’écouter une fois The Mermaid Parade ou Los Angeles pour s’en convaincre : ces chansons cabossées vont nous suivre, accompagner bien des nuits entre souvenirs et rêves, ponctuer ces conversations infinies où l’élocution se fait hésitante, où les argumentations se délitent à mesure que la bouteille de Jack rend les armes …

La musique de Phosphorescent se distingue par sa générosité sans afféterie : les morceaux sont riches, les arrangements opulents comme sur It’s Hard To Be Humble (When You’re From Alabama), les choeurs souvent présents. Le risque est alors celui de l’excès, du trop-plein : Houck réussit pourtant sur la majeure partie de l’album à conserver un équilibre remarquable. Une prouesse qui doit beaucoup, comme sur « Muchacho », à sa voix cassée, fatiguée qui à elle seule compense en sincérité et fragilité toute l’exubérance des instrumentations – à ce titre, le gospel de Hej, Me I’m Light nous mettra longtemps une belle boule dans la gorge. Ce constant décalage entre le grandiose et l’intime trahit toutes les contradictions de cet homme, encore jeune et déjà sans âge, que l’on imagine déchiré entre le rêve flou de se muer en démiurge rock et la réalité de ses démons de son quotidien – un grand écart que l’on peut facilement partager : après tout, la collision de rêves trop grands avec le mur inamovible de la réalité, c’est aussi l’histoire de nos vies à nous …

Voilà ce qui rend les albums de Phosphorescent si précieux : après tout, des musiciens capables de composer de belles chansons de country-rock, on en connaît des dizaines. Des artistes capables, encore, de vous faire rendre les armes, toutes affaires cessantes, c’est plus rare. Alors surtout, surtout, ne passez pas à côté de tels disques !

Chroniqueur

Tracklist

  1. Here It Is

La disco de Phosphorescent