Un des aspects positifs des chambardements du monde de la musique ces dernières années est sans doute que les maisons de disques ont globalement perdu leur rôle de prescripteurs de tendances. Les premiers albums en provenance d’Angleterre depuis le début de l’année n’ont ainsi pas grand chose en commun et « Silence Yourself », le premier opus […]
Un des aspects positifs des chambardements du monde de la musique ces dernières années est sans doute que les maisons de disques ont globalement perdu leur rôle de prescripteurs de tendances. Les premiers albums en provenance d’Angleterre depuis le début de l’année n’ont ainsi pas grand chose en commun et « Silence Yourself », le premier opus des quatre filles de Savages ne sera donc pas l’ébauche d’un coup marketing préparé déguisé en énième revival du rock pur et dur. Toutefois, autre signe des temps, Savages n’est pas un groupe de débutantes passées du jour au lendemain de l’ombre de répétitions rageuses dans une cave à la lumière des projecteurs mais plutôt la réunion de musiciennes plus ou moins chevronnées désireuses de revisiter le concept d’un rock aride, tendu et sans concessions. Evidemment, on trouvera là matière à émettre une réserve, Savages ne collant pas exactement à l’image un peu romantique du groupe qui met tout son coeur et sa spontanéité dans son premier album, sans calculer ni penser au lendemain. Mais, depuis quelques temps déjà, on assiste à l’avènement d’une génération de musiciens éclectiques qui ont digéré l’héritage des décennies précédentes et en proposent leur propre vision.
A cet égard, il faut reconnaître que les quatre Savages ont bien bouclé leur affaire. Quand on joue en formation rock « classique », pouvoir s’appuyer sur une section rythmique solide, c’est important. En l’occurrence, ici, il n’y a rien à redire sur la batterie, et surtout, le jeu de basse de Ayse Hassan est d’une pertinence exemplaire. Metronomique juste ce qu’il faut pour donner la cadence sur Shut Up ou I Am Here, plus chaloupé sur She Will ou Marshal dear, et sachant s’effacer quand les riffs de guitare prennent le relais. Une guitare pas bavarde pour un sou mais qui tranche dans le vif, gémit et étire la sauce sur Strife ou Waiting For A Sign, donne du souffle sur l’épique She Will et sait même par moments lorgner vers le métal sans maladresse (No Face). La voix de Jehnny Beth n’a plus qu’à venir couronner l’ensemble. La comparaison avec Siouxsee vient naturellement, sans que ce soit particulièrement gênant, l’emphase n’étant encore une fois pas de mise.
Mais, au-delà de cette véritable osmose entre les quatre musiciennes, Savages finissent de convaincre grâce à des morceaux qui font mouche quasiment à chaque fois. Certes, dire que l’on est jamais dans l’exercice de style ne serait pas tout à fait juste et Hit Me par exemple peut paraître un peu convenu. En revanche, il n’y a absolument rien à redire sur les intransigeants Shut Up, I Am Here et Husbands, pas plus que sur le plus ample et plus souple She Will et surtout pas sur Marshal Dear, qui ralentit le tempo en bout de course, laisse entrer un piano et un saxo sans pour autant laisser de côté la tension du reste de l’album. Un album en outre pensé dans sa globalité et non comme une addition de morceaux, avec démarrage tambour battant, respiration en milieu de parcours, sprint final et atterrissage majestueux. Ne nous perdons pas en conjectures ou mises en perspective, c’est définitivement de la belle ouvrage.
- Publication 1 069 vues2 juillet 2013
- Tags Savages
- Partagez cet article
Tracklist
- Shut Up
- I Am Here
- City's Full
- Strife
- Waiting For A Sign
- Dead Nature
- She Will
- No Face
- Hit Me
- Husbands
- Marshal Dear