Tentative d'appréhender l'album événement de ce début d'année.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, une explication du contexte s’impose : il y a, dans une année musicale, les découvertes, les albums qu’on attend mais pas forcément répertoriés par l’ensemble des radars de la sphère indé, et il y a les passages obligés, autrement dit, les disques annoncés partout, parfois plusieurs mois à l’avance et auxquels on ne va pas couper de toute façon. A indiepoprock, plutôt que se braquer, on préfère jouer le jeu et tenter de juger aussi objectivement que possible des phénomènes sur lesquels on ne peut de toute façon qu’avoir une prise (extrêmement) limitée. Après le succès de « Currents » en 2015, ce nouvel opus de Kevin Parker, tête pensante et quasi-exclusive de Tame Impala, est donc LE disque évènement de ce début 2020. Un disque que certains au sein de la rédaction attendaient d’ailleurs peut-être fébrilement, ce qui n’était en l’occurrence pas mon cas. Mais le but en rédigeant cette chronique était bien de chercher à comprendre l’engouement que suscite Tame Impala depuis quelques années, d’infléchir éventuellement un sentiment jusque-là négatif, ou pas, mais en tout cas de ne pas partir avec le bazooka en bandoulière, attitude forcément mortifère alors que, quand on aime viscéralement la musique plus que son ego, on est avant tout à la recherche de vibrations positives.
« The Slow Rush », dans son titre à l’aphorisme limpide, semblait annoncer le déroulement d’un programme désormais rôdé : morceaux au tempo relativement alangui, en lévitation psyché, chaloupés, destinés à s’adresser à la tête et aux jambes et à évoquer à la fois le rock psyché des années 1970 avec les atours de la modernité et donc un recours aux synthés et à quelques gimmicks electro au détriment des guitares. On y voit là un premier bémol car, si « Currents » avait le mérite d’ébaucher une nouvelle approche pour Kevin Parker, jusqu’alors davantage porté sur les guitares , « The Slow Rush » s’avance comme le continuum d’une formule désormais connue. Autre écueil, la voix de Kevin Parker. Sur l’ensemble de l’album, celui-ci, en termes de chant, fait ce qu’il sait faire, sans jamais dévier de ce qu’on connaît de lui. Conséquence, si ce chant indolent, voire nonchalant, en voix de tête, vous plaît, vous serez à l’aise, mais vous ne découvrirez pas non plus de nouvelle facette de l’artiste sur cet aspect. Si, au contraire, vous avez du mal avec cette monotonie toujours à la limite de la justesse, il y a peu de chances que « The Slow Rush » devienne votre disque de chevet, toutes autres considérations mises à part.
De par sa forme, on admettra en revanche que cet album est de ceux qui infusent plus qu’ils ne percutent. Entendre par là que « The Slow Rush » n’est pas fait de morceaux qui vous séduisent à la première écoute mais prennent leur temps pour s’installer, vous deviennent petit à petit familiers et instillent leur charme vénéneux. Ca, c’est du moins ce qui se passe dans le meilleur des cas. On peut ainsi apprécier les subtiles nuances de rythmes de One More Year, les qualités mélodiques intermittentes de Breathe Deeper ou Lost In Yesterday. Dire qu’il y a de quoi se pâmer serait toutefois très exagéré et, le reste du temps, de Borderline à Tomorrow’s Dust ou Is It True, l’infusion ressemble à une camomille bien tassée prompte à endormir même les plus résistants. Si, en plus, vous commencez à détailler les clins d’oeil dissémines ci ou là à Daft Punk ou Supertramp (ce qui constitue toutefois un moyen de ne pas s’endormir), vous commencez à vous demander ce qui vous prend d’écouter cet album et mieux vaut abréger la session, l’impression étant d’avoir affaire à de la lounge music pour bars à cocktail même pas chics.
Vous l’aurez compris, pour nous, l’écoute de « The Slow Rush » ne nous aura pas réconciliés avec Tame Impala. Si on ne doute pas que d’autres y trouveront leur compte et auront certainement des arguments tout à fait valables à faire valoir, on peut légitimement se demander si le fait que Kevin Parker contrôle tous les aspects de sa musique, de la composition à la production, n’est pas en train de le faire sévèrement tourner en rond et s’il n’aurait pas intérêt à s’ouvrir sur l’extérieur pour trouver de nouveaux horizons. Mais on vous mentirait si on vous disait que la question nous préoccupe jour et nuit.
- Publication 1 666 vues20 février 2020
- Tags Tame ImpalaModular
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