Huitième album d'un groupe largement adoubé. A tort ou à raison ?
Si vous lisez Indiepoprock depuis ses débuts, ou ne serait-ce que depuis quelques années, The National fait forcément partie des groupes dont le nom vous est au minimum familier et, plus globalement, si vous vous intéressez à la pop indé depuis une quinzaine d’années, vous savez que le groupe fait partie des rares à avoir été d’abord chéri par un petit nombre d' »initiés » avant de voir son aura et son public grandir au fil des années, sans que leur crédibilité en soit entamée. Bref, dans le milieu, c’est ce qu’on appelle un groupe emblématique. Pourtant, si vous n’avez jamais lu de mal à leur propos sur ces pages – bien au contraire – c’est qu’un large consensus s’est toujours dégagé en leur faveur et qu’ils n’ont pas à proprement parler d’ennemis au sein de la rédaction. Cependant, certains d’entre nous, dont je fais partie, sont souvent restés hermétiques à leurs albums. La question n’est pas de nier leurs qualités, d’autant qu’en plus des albums de The National, les frères Dessner ont su élargir leurs horizons en collaborant de près avec des personnalités telles Sufjan Stevens, ou au sein de Clogs, leur projet parallèle, démarche sans doute à l’origine de leur longévité. Non, le problème de The National, en ce qui me concerne, c’est l’incapacité chronique à voir s’inscrire durablement leurs albums dans ma mémoire et, après quelques écoutes, à avoir envie d’y revenir.
Chroniquer « I Am Easy To Find », c’est donc déjà commencer par prendre le temps d’écouter l’album, après avoir « lâché l’affaire » sur les derniers. L’avantage, quand on revient à un groupe qu’on connaît plutôt bien tout en s’en étant tenu à distance raisonnable pendant quelques temps, c’est d’avoir à la fois une approche neuve tout en identifiant quelques bases. La première, c’est évidemment la voix chaude de Matt Berninger, indéniable supplément d’âme. Toutefois, parlant de voix, sur « I Am Easy To Find », Matt Berninger est loin d’être seul puisque, sur plusieurs morceaux, le chant est « offert » à des voix féminines, de Mina Tindle à Sharon Van Etten. C’est en soi une bonne idée, qui donne un contrepoint plus lumineux au chant toujours empreint de spleen de Matt Berninger, tout comme la musique du groupe en général. Ensuite, sur la forme, on découvre que le groupe a logiquement évolué vers un son plus « moderne » en saupoudrant ci et là ses chansons d’arrangements synthétiques, sans renier ses ambiances aigres douces. C’est joliment fait, on ne s’en étonne pas, mais, pour tout dire, ça aide surtout à comprendre pourquoi The National traversé le temps avec une belle constance sans pour autant laisser d’empreinte durable.
Car si un morceau comme Not In Kansas peut réellement toucher par sa mélodie, son minimalisme et son chant parfaitement adapté, une grande majorité du disque sonne définitivement « middle of the road ». L’admettre sur « I Am Easy To Find », c’est comprendre rétrospectivement qu’à leur façon, The National l’ont toujours été. Ici, c’est seulement le « luxe de moyens supplémentaires » par rapport à leurs débuts qui change. Mais si on a rarement pointé cela chez eux, c’est peut-être parce qu’il sonnaient davantage comme un groupe anglais tout en étant Américains, ce qui les faisait détoner dans le paysage. Mais, hier, ils manquaient de la puissance lyrique qu’on pouvait trouver chez les Tindersticks par exemple, et leur son d’aujourd’hui ressemble davantage à une « mise à niveau » qu’à une évolution véritablement audacieuse. Résultat, on ressort d »I Am Easy To Find » un peu plus radical qu’on y est entré. Car on a le sentiment d’avoir affaire à un groupe extrêmement consensuel, trop, même, qui est longtemps apparu comme un outsider.
- Publication 1 228 vues7 juin 2019
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The National sur la route
Tracklist
- You Had Your Soul With You
- Quiet Light
- Roman Holiday
- Oblivions
- The Pull Of You
- Hey Rosey
- I Am Easy To Find
- Her Father In The Pool
- Where Is Her Head
- Not In Kansas
- So Far So Fast
- Dust Swirls In Strange Light
- Hairpin Turns
- Rylan
- Underwater
- Light Years