Vérifier le prix d’un album m’a rarement mené vers une grande découverte. Chez-moi, From Tokyo To Naiagara est le seul album disponible de Tujiko Noriko. Ce nouvel album sort dans l’ombre, mais un peu moins que les autres. Il sera distribué à l’échelle mondiale ; facile à trouver sur le net. Tujiko Noriko ne sait […]
Vérifier le prix d’un album m’a rarement mené vers une grande découverte. Chez-moi, From Tokyo To Naiagara est le seul album disponible de Tujiko Noriko. Ce nouvel album sort dans l’ombre, mais un peu moins que les autres. Il sera distribué à l’échelle mondiale ; facile à trouver sur le net.
Tujiko Noriko ne sait trop quoi faire des questions des journalistes qui s’intéressent à elle. Elle répond brièvement avec un détachement très japonais et une désinvolture de nouvelle venue. Elle ne se pense pas particulièrement douée. Elle ne croit pas que sa musique soit assez aboutie. Elle voit la musique comme un plaisir temporaire en attendant de jouer au cinéma, un médium plus adaptée à sa personnalité ; Björk à l’envers? Pour chaque album, elle n’a jamais de plan précis, elle peut faire plus avant-garde ou plus pop et c’est comme ça, c’est tout. Certains disent que From Tokyo To Naiagara est son plus pop. En fait, je ne sais pas moi non plus.
Hard Ni Sasete (Make Me Hard) était, je crois, un chef d??uvre de pop électronique. Sans les nombreuses étages de voix et de mélodies, Tujiko Noriko offrait une forte compétition aux plus réputés fabriqueurs de bruit digital du monde, qu’on parle de Ekkehard Ehlers (que j’écoute en se moment) ou Nobukazu Takemura ou Mouse On Mars. Impulsives, les mélodies très simples de Tujiko Noriko se refusaient à tout autre instrument mécanique autre que la voix, mais respiraient l’authenticité et l?anticonformisme sans forcer la main au public pour qu’il reste sur les lieux du crime. Dans le monde merveilleux éclaté de cette jeune japonaise tout se changeait en or. En faire partie changeait notre perception des ressources les plus abîmées et de celles les moins reconnues alors qu’on découvrait avec stupeur de nouvelles matières.
Penser que Tujiko pouvait nous refaire le coup en si peu de temps tient de l’absurde, de l’impensable. C’est donc avec une joie restreinte que j’ai abordé ce nouvel opus plus intimiste.
En 2003, la petite dame y va avec le même genre de production assez lo-budget, chambre à couché dominé par les machines. Plus calmement, elle introduit ses nouveaux amis aux arrivants. On prend le temps de mieux les connaître avant de faire la fête ensemble. Il faut dire qu’ils sont moins nombreux. On penserait que la décision de Tujiko de faire table rase et de ne garder que quelques amis précieux serait justifiée et mûrement (si rapidement) réfléchie. Tel n’est pas le cas. Sa désinvolture joue contre elle cette fois? Peu appliquée, elle rejette ses meilleurs et invite un idiot fendant du nom de Narita Made. Pourquoi alors s’appliquer pour bien connaître des personnalités simples? Poser la question est y répondre et accueillir dans sa tête un souvenir nostalgique de l’année précédente. Plusieurs des personnes les plus merveilleusement généreuses et pleines d’esprit que vous avez rencontré dans votre vie sont loin maintenant.
Il y avait tellement de raisons de célébrer Hard Ni Sasete (Make Me Hard) que presque tout passe comme un recule en comparaison. La longueur de chaque pièce joue contre Tujiko lorsqu’elle fait fausse route dans un album de 48 minutes. Seule au monde dans une discographie, la cuvée 2003 gagnerait des points. C’est ce qu’il faut apprécier. Rocket Hanabi reprend le Aphex Twin d’imitation de wha wha de guitare de Arched Maid dans une chanson toute mignonne à moitié instrumentale. Kiminotameni est un simple à succès avec un peu de publicité. Zipper et Tokyo sont des chansons de pop vocale concrète? Enfin, le bruit pur harmonisé se marie à un air agréable, qu’on peut chanter, sentir directement sans le maîtriser avant des mois.
Trop de musique, trop rapidement chez Tujiko Noriko, mais le talent demeure. Tout art est exigeant, le manque de réflexion vide le réservoir de la créativité. From Tokyo To Naiagara est comme l’album Strange Days des Doors, une suite inévitablement décevante, près de la version originale sortie juste avant, tout en pouvant lui faire honneur à l’occasion.
- Publication 445 vues14 septembre 2003
- Tags Tujiko NorikoTomlab
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