Interview de Concrete Knives
Il fallait donner un cap nouveau à notre musique tout en assumant ce que nous sommes...
À l’heure de passer le grand oral du second album, sans pour autant s’infliger une pression terrible, Indiepoprock a eu l’honneur de prendre le pouls du groupe français Concrete Knives par l’intermédiaire d’un de ses leaders, Nicolas Delahaye. Une courte interview qui en dit long sur l’état d’esprit actuel des normands, toujours aussi passionnés et attachants…
Votre second et nouvel album « Our Hearts » vient de paraître. Alors, heureux?
Forcément, nous sommes très heureux d’avoir pu enregistrer ces chansons et de pouvoir sortir ce nouveau disque.
Comment avez-vous négocié l’après-succès (mérité) de votre premier album et la longue tournée qui s’en est suivie?
On l’a vécu différemment les uns des autres, mais nous étions tous exténués par ce que nous avions vécu durant trois ans. On tournait, on enregistrait en même temps, on a eu très peu de temps pour nous. Il a fallu donc que chacun retrouve ses marques et aussi se pose la question de savoir ce qu’il voulait désormais faire, ce que chacun avait un peu mis entre parenthèses durant ces années. Certains ont enregistré leur propre musique, ça a été le cas pour Adrien et Corentin avec Samba de la Muerte, Faroe, Kuage, puis Elecampane pour Guillaume, Augustin et moi. Mais aussi des choses plus personnelles, la famille s’est agrandie.
Cinq années se sont écoulées depuis la sortie de « Be Your Own King ». Le processus de composition pour « Our Hearts » vous a-t-il demandé tout ce temps ?
Nous sommes repartis d’une page blanche, il a fallu aussi prendre de la distance pour savoir ce que nous voulions faire désormais, on ne voulait pas refaire le même disque. Si nous avions sorti un disque plus tôt, les choses auraient été prématurées. On a fait différentes sessions durant 4 ans entre Berlin, l’Auvergne, la Normandie et enfin le sud de la France où nous avons enregistré ce disque. Il fallait donner un cap nouveau à notre musique tout en assumant ce que nous sommes.
Y a-t-il des influences, artistes ou albums, qui vous ont animé durant la création de ce nouvel album ?
Berlin a été une période assez difficile. Une sorte de prise de conscience qu’il fallait retrouver le sens dans ce que nous faisions. On a enregistré beaucoup de musique là bas, mais ce n’était pas nous, il y avait quelque chose de cassé. Un jour nous sommes allés dans un record store où il passait la musique de William Onyeabor, ça nous a tous touchés, ce qui a été quelque chose de rassurant à savoir que nous pouvions ressentir des choses en commun de manière connectée. À titre personnel, peu de disques récents ont trouvé écho durant ces années passées. Je n’y trouvais pas la modernité dans leur appréhension. Je me suis mis à essayer à rechercher des disques où on trouve l’audace, l’insouciance dont j’ai besoin pour composer ou écrire. Je l’ai trouvé dans les disques de Ziad Rahbani et sa famille, dans le rock anatolien de Erkin Koray ou Selda, dans la musique tropicalia de Trio Ternura, Caetano Veloso, Gal Costa, Os Mutantes. Les compilations de Habibi Funk, la musique funk psyché d’Afrique de l’Ouest, Worldwide FM, Gilles Peterson aussi…
On sent beaucoup plus de maturité dans l’utilisation des instruments, notamment l’introduction de cuivres sur certains titres, dans l’écriture, mais aussi par une ambiance beaucoup plus intimiste que par le passé. Serait-ce un nouveau Concrete Knives qui se présente aujourd’hui à nous?
Tout à fait. Nous vieillissons aussi, ça, c’est pour la maturité. On a une appréhension différente de la vie en règle générale. Certains morceaux sont nés dans ma chambre avec des boîtes à rythme, claviers, guitares avec quelque chose de très confiné, face à soi même. Chacun a su donner à sa manière, la dimension et l’écrin pour ces morceaux avec de la sollicitude et panache aussi. Avant, c’était plus guitare voix, on joue vite et fort et on verra demain. On a tenté lors de l’enregistrement de donner cette énergie qui nous est propre, mais oui ces chansons ont une dimension plus intime. C’était important de ne pas mentir, de ne pas être ce que nous étions, mais désormais ce que nous sommes. Il n’y a rien de plus agréable que de revoir quelqu’un quelque temps après, de le voir évoluer et nourrir le récit de nos vies réciproques.
Vous tenez tout particulièrement à l’artwork de « Our Hearts » signé Sarah Guillain, qui illustre des morceaux de cœurs recomposés. En règle générale, attachez-vous beaucoup d’importance aux symboles?
Nous ne sommes pas trop objets fétiches. Cet artwork a été pensé de manière à retranscrire ce que nous sommes. Une somme de coeurs qui n’en font qu’un avec chacun son périmètre, sa connexion avec l’ensemble. Il peut être aussi vu comme un paysage. J’aime sa symbolique.
« On The Pavement », qui clôt l’album, est un morceau scindé en deux et qui, dans sa seconde moitié, laisse libre court à votre créativité instrumentale. Pouvez-vous nous conter la genèse de ce formidable morceau?
C’est un morceau qui a été fait en commun, il n’a pas été réfléchi en deux parties même si je te l’accorde, il y en a deux et distinctes. La plage instrumentale est le négatif de l’autre ou vice versa. Pour la genèse, je ne sais pas trop ce qui s’est passé. On a dû continuer le morceau et les gars ont lancé cette partie électronique laissant libre cours aux thèmes qui s’en suivent. Adrien et Corentin ont fait un super boulot sur la direction de cette partie instrumentale.
Vous avez repris depuis le début d’année le chemin de la scène. Comment abordez-vous ces nouvelles rencontres avec le public, qu’il vous soit fidèle comme néophyte?
Les choses sont désormais faites, on s’est bien préparé, il faut regarder devant. On sera vraiment à l’aise dans quelques semaines, mais on le sait. La rencontre avec notre public a été extraordinaire, ça a été émotionnellement très fort. Et pour celles et ceux qui ne connaissaient pas encore, il y a ce côté assez magique que de rencontrer une personne pour la première fois, que ça plaise ou non. Nous, ça nous pousse à redécouvrir des sensations oubliées.
À choisir entre l’intimité du Cargö à Caen ou l’immensité d’un Zénith de Paris, lequel préférez-vous ?
C’est assez difficile, déjà pour le fait que je suis peu attaché aux endroits où nous jouons. Les symboliques ne sont pas forcément les mêmes. Je pense que jongler entre les différents lieux est quelque chose d’excitant en soi. Ce sont d’autres sensations, on va dire les deux même si ça n’a aucune portée symbolique immédiate.
Que reste-t-il à vous souhaiter pour la suite ?
De prendre plaisir à jouer le disque sur scène devant vous.
Retrouvez la chronique du nouvel album de Concrete Knives, « Our Hearts », juste ici
Crédits photo : Solveig Robbe
- Date de l'interview 1 756 vues 2018-02-20
- Tags Concrete Knives
- Partagez cet article