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On ne pouvait imaginer meilleure introduction que Laetitia Sadier au concert dantesque de Cheval Fou.
Avant l’explosion sonique, sa musique d’une extrême subtilité est venue se poser sur la scène de La Boule Noire comme un mirage pop. Rappelant à quel point Laetitia Sadier construit encore et toujours un répertoire d’une exigence affolante. Parvenant, seule à la guitare, à donner à ses chansons une grande densité et un rythme fascinant.
La finesse absolue des compositions est là, leur charme étrange aussi. Diffusant l’incomparable présence d’une musique définitivement unique. Une musique qui ne laisse rien deviner de sa complexité, et laisse seulement apparaître sa grâce et profondeur. Un enchantement – un privilège aussi -.
Cheval Fou apparaît dans un nuage, masqué et dans une impressionnante entrée en matière. Cette introduction quasi chamanique plante bien plus qu’un décor. Elle ouvre instantanément les portes d’un univers qui va se déployer comme une traînée de poudre musicale. Le son est, d’emblée, gigantesque, d’une amplitude sidérante.
« Couteau Calme » prend vie dans une déflagration d’autant plus impressionnante qu’elle est parfaitement maîtrisée. Un feu psychédélique embrase les titres d’un album déjà essentiel. Il s’ébroue dans une violence sonore qui emporte tout sur son passage. Et dessine les contours d’une musique à la pertinence inouïe.
Le power-trio constitué autour de Michel Peteau – aux côtés de Matthieu Askehoug et de Cyril Avèque – donne la pleine mesure de sa puissance et érige un monument aux allures de rock psychédélique ravageur. Auquel la voix d’Armelle Pioline se mêle par touches brillantes et indispensables.
La transe électrique dérive magistralement vers un free-jazz aussi terrifiant que renversant, quand le saxophoniste Nicolas Moreau les rejoint et ajoute son génie – on pense à Ornette Coleman – à des harmonies totalement incendiées.
Ce qui se joue sur scène, est bien plus qu’un concert de rock. C’est la lecture affolante d’une musique traçant continuellement des ponts entre avant-gardisme instrumental, jazz explosif, et psychédélisme dans ce qu’il a de plus remuant. Cette capacité à remettre la musique au centre de la perception.
Le son est alors littéralement sculpté et poussé dans ses retranchements. Impossible de ne pas être emporté dans sa course. Par sa violence, certes, mais aussi par l’émotion qui s’en échappe, incidemment. Autant de pauses sensibles dans une cavalcade brutale, à l’énergie prodigieuse. A laquelle on restera connecté très longtemps.
Crédit photo : yan kouton