"> EL VY @ Trabendo - 8 Décembre 2015 - Live Report - Indiepoprock

EL VY @ Trabendo – 8 Décembre 2015


La rencontre au sommet de Brent Knopf et Matt Berninger attise la curiosité... Et sur scène, ça donne quoi ? Une curiosité, toujours ...

Cela n’aura pas échappé aux observateurs : El Vy, c’est le patronyme commun choisi par deux figures majeures de l’univers musical indépendant de ces dernières années. À ma gauche, Brent Knopf, multi-instrumentiste déjà à l’origine de Menomena et Ramona Falls. A ma droite, Matt Berninger, le chanteur et showman à la tête de The National. L’association de ces deux personnalités intrigue ; il faut également reconnaître que l’intérêt que l’on porte à El Vy relève d’abord et avant tout de la curiosité.

L’écoute du premier album d’El Vy a d’ailleurs maintenu cette impression de curiosité : on y retrouve la voix très caractéristique de Berninger, qui, avouons-le, ne change pas du tout son chant pour ce nouveau projet, mais qui l’intègre dans un univers musical tout à fait différent. Le résultat s’avère à la fois nouveau et familier, à la fois rafraîchissant et un rien décevant, tant ce premier album fort honorable se situe tout de même loin des sommets atteints par The National ou Ramona Falls.

Curiosité toujours pour ce premier concert parisien : de toute évidence, le public n’est pas venu par hasard et pour autant, difficile de savoir réellement à quoi s’attendre. Devant la scène du Trabendo, l’audience est fournie et enthousiaste même si la salle ne semble pas vraiment pleine. L’arrivée des musiciens est chaleureusement accueillie : c’est clair, personne ne connaît réellement El Vy mais tout le monde est là pour Knopf et Berninger. Assez rapidement, deux observations s’imposent : le son travaillé par El Vy est de très bonne qualité, clair, puissant et précis. Il fait la part belle aux cisaillements de guitare très post-punk de Brent Knopf, tandis que la voix de Berninger (qui abandonne pour l’occasion ses bouteilles de vin pour leur préférer, semble-t-il, un peu de vodka) se niche dans toutes les anfractuosités sonores.

C’est agréable et les musiciens prennent visiblement un plaisir communicatif à jouer leurs morceaux devant un public réduit et proche, comme s’ils redécouvraient une façon plus simple de transmettre leur musique. Comme sur disque, les morceaux calmes et atmosphériques alternent avec les plages plus remuantes, maintenant constante l’attention de l’auditoire. Pour autant, on est loin par exemple de l’intensité d’un concert de The National. La précision redoutable des frères Dessner est en la matière indépassable et, sans faire injure au très efficace jeune homme qui officie derrière les fûts, il est loin, très loin d’égaler la frappe de Bryan Devendorf.

À la fois plus stimulant et plus gênant : au fur et à mesure que le concert se déroule, le jeu de scène traditionnel de Berninger se déploie : proche du public, il serre des mains, emprunte volontiers quelques téléphones portables (pour filmer la scène ou son slip selon les cas) pendant qu’il chante, parcourt l’espace de long en large, descend un peu dans le public. Bref, il fait le nécessaire pour faire de ce concert un vrai bon moment de spectacle et « en donner au public pour son argent », tout en donnant, aussi, la légère impression d’être prisonnier d’une formule, d’une représentation qui est devenue sa marque de fabrique et à laquelle il ne peut pas (ou ne souhaite pas) se soustraire, même en s’éloignant de sa formation canonique. Lorsque le groupe entame, peu avant la fin de son très bref set, une reprise à la fois pince-sans-rire et épatante de She Drives Me Crazy (oui, la chanson des Fine Young Cannibals), c’est le plaisir qui l’emporte. Après tout, les musiciens sont là pour retrouver la simplicité d’une musique interprétée sans pression alors pourquoi ne pas jouer le jeu et être soi-même un auditeur sans pression, sans autre horizon que le spectacle du moment ?

C’est lorsque les lumières se rallument, après douze petits morceaux, que l’on se posera de nouveau la question inévitable : et après ? Tout comme, plusieurs décennies durant, on n’aurait pas imaginé un Iggy Pop autrement que torse nu (au minimum) et déployant sa traditionnelle gestuelle reptilienne et obscène, on n’imagine plus réellement Matt Berninger autrement que dans cette représentation à son image, entre classe et déchéance hagarde, mi-paumée, mi-hystérique. Pour l’instant, c’est toujours aussi intéressant à voir. Mais on ne peut pas s’empêcher d’anticiper aussi le moment où ce jeu tournera à la formule, au systématisme. Espérons que cette parenthèse, enjouée à défaut d’être enchantée, permettra à Knopf et Berninger de se réinventer.

Chroniqueur
  • Publication 555 vues21 décembre 2015
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