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Sous un soleil radieux, qui accompagnera ce long week-end, la septième édition du festival Beauregard démarre sur les riffs bluesy nerveux de la dobro des Electric Octupus Orchestra auteurs d’un set honorable et efficace exactement à sa place pour ce tryptique encore une fois familial et large. Suivront les locaux de Gomina et leur pop british psyché au son très marqué dans un style duquel ils ont du mal à émerger, en live surtout, et dont il faut être vraiment fan pour cerner les spécificités.
18h, l’heure de l’apéro, Baxter Dury va y faire honneur… On doute que le très classe british eut plus d’endurance au calva que la durée de son set mais celui-ci lui a permis de faire étalage de tout son charisme, entre élégance et décadence. S’appuyant sur des musiciens au diapason de leur leader, le fils de a porté haut les couleurs de son héritage au prix d’un concert qui restera le premier moment fort du festival, à un point que l’on n’aurait pas soupçonné à l’écoute de ses albums, ici magnifiés et violentés. L’intervention de Dury pourrait presque à elle seule résumer ce festival, le flegmatique chanteur pop nous ayant fait ravaler toutes nos craintes de sombrer dans l’ennui en un claquement de doigts. C’est donc déjà sur de bons rails que nous nous orientons vers Bo Ningen, d’illustres inconnus venant du soleil levant qui nous ont livré LE concert OVNI du week-end : une sorte de punk metal pop, un joyeux délire comme un hybride des B52’S et de Slayer, japonnais dans le texte, une vraie claque artistique qui n’aura certainement pas enchanté tout monde, mais qui nous, nous aura clairement conquis par l’audace, le jusqu’au-boutisme, et… la qualité musicale.
Après ce décoiffant vent d’Est, le gros morceau et notre plus grosse crainte de la journée se nomme Dominique A, chantre d’une écriture complexe et peu entraînante, qui donne un set en extérieur sous la lumière du soleil, n’augurant pas que du bon… Pour l’anecdote, le festival Beauregard existe depuis 2009 et pour sa première édition, la rumeur veut qu’Alain Bashung était prévu. Mais le bougre a eu le mauvais goût de décéder en mars de cette maudite année. Eh bien, avec la prestation de Dominique A nous n’avons jamais été aussi proche de cet événement qui n’aura jamais lieu. Entre pudeur et écorchures artistiques à vif, celui qui malgré lui est devenu une sorte d’icône de l’underground littéraire nous a livré une magnifique relecture de son répertoire faisant rebondir ses paroles sur des riffs puissants et acides nous emmenant sur des purs moments de transe jouissive toujours au bord de la rupture, un pied dans le précipice. La version du soir du Courage Des Oiseaux restera un souvenir bien ancré de ce Beauregard 2015, une poésie exacerbée sur fond de sons de guitare qu’on ne croyait réservés qu’à l’intelligentsia underground anglophone… Le seul mot qui vient après de telles expériences c’est merci, à John Beauregard, à Dominique A…
Ce qui nous attend par la suite est une replongée dans la vingtaine pour les trentenaires de l’assistance, Cypress Hill et son Hip-Hop en fusion s’affaire sur la scène. Moins de craintes accompagnent la prestation de ces showmen patentés. De toute évidence, la flamme anime encore les bonhommes, et le sol des jardins du château de Beauregard s’en rappellent encore. Les bad boys de la journée ont littéralement transformé la surface en dance-floor géant pendant l’ensemble de leur prestation qui ne souffrira d’aucune baisse de régime, donnant exactement ce que le public attendait d’eux, et c’était déjà beaucoup. I Wanna Get High, Rock Superstar, tout y passe. Le set est certes old school mais d’une efficacité toujours immédiate. Quelque peu vidé, nous nous préparons pour la suite, qui s’avérera moins charmante…
Figure de proue, du moins d’un point de vue médiatique, de l’indé française, Christine And The Queens et son « show » entre en scène. Après le supplice d’un titre et demi, nous nous enfuyons de cette gabegie, une sorte de variété françaiss costumée, qui nous fera dire de la dame : « Lorie s’habille en noir ». Nous en restons encore interloqués de savoir le succès que la dame peut rencontrer dans nos cercles culturels. Faute de comprendre, nous nous sauvons vers Alt-J, avec un peu d’avance. Le groupe possède un certain crédit dans le monde de l’indé (notamment ici-même). Déjà quelque peu en retrait face à cet engouement, nous nous rappelons également de la première venue du groupe au festival 2 ans plus tôt, loin de nous avoir enchanté. Le moins que l’on puisse dire c’est que les anglais restent cohérents et au prix d’une prestation sans une once d’âme ils vont débiter leur compositions tels des robots. Malgré notre insistance à chercher un peu de leur supposé génie, notre quête restera vaine, et l’ennui commence à nous envahir. Jungle souffrira certainement de notre état apathique à la fin d’une journée pourtant riche en belles sensations, et nous ne rentrerons jamais dans leur univers, encore une fois trop proche de leur effort studio, ce qui sonnera le glas de notre présence ce vendredi. Un jour qui, malgré sa conclusion, nous aura clairement emballés, bien plus loin que là où nos attentes nous avaient préparés.
La journée de Samedi démarre avec la fin du concert de Talisco, Bordelais de naissance, Anglais de langue, qui défendent une identité entre folk et électro, quelque peu lisse. Le relais est pris par les Irlandais de The Strypes, arguments rock pur et dur, dans l’efficacité comme dans l’attitude Ces derniers vont nous livrer une déclinaison des Arctic Monkeys, en plus sale. Virulent sans être violent, le show nous tiendra en haleine plus pour son énergie que pour son iconoclastie, mais force est de constater qu’à aucun moment nous n’avons rivé nos yeux sur l’horloge, trop pris que nous étions par l’aura de ce très bon groupe live.
En parlant d’aura, l’artiste suivant fut le guitariste de Morrissey au sein des Smiths, Johnny Marr, qui va dérouler son répertoire solo dans lequel on ne peut s’empêcher de voir du Smiths, moins le leader charismatique. Un bon show tout de même pour amoureux du style, avec une identité forte mais qui manquera tout de même d’énergie. Place est faite alors pour The voice : Florence And The Machine va calmer nos réticences quelques peu snobinardes quant à son sujet. Superbe voix à la manière d’une Kate Bush soul, la dame diffuse une énergie communicative indéniable. On n’échappera pas à la pauvreté des compositions mais la puissance débridée de la grande rousse suffira aisément on nous faire adhérer à son univers, en un instant.
Nous reconnaîtrons une qualité à l’artiste suivant : Julien Doré aura eu l’amabilité de bien vouloir ne pas se faire entendre de l’autre scène (où nous nous étions réfugiés). Et ce qui nous attendait là, c’était tout simplement le show qui aura mis tout le monde d’accord, celui d’un soixantenaire barbu comme un bûcheron, le méconnaissable Sting. La circonspection accompagnait la présence du Monsieur sur l’affiche du festival. NOus anticipions un triste artiste RFM, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on était particulièrement loin de ce qui nous attendait. L’ensemble des hits de Police ou solo grandement réarrangés mettant en avant des musiciens géniaux, mention spéciale à Peter Tickel qui joue de son violon comme Zappa martyrisait sa 6 cordes. De son côté, le chanteur n’est pas en reste que ce soit sur ses lignes de basse de haute volée ou sur sa voix qui, au prix d’un léger temps de chauffe, retrouve toute ça grâce et sa puissance. Sting aurait pu se contenter de mimer son répertoire de façon très pro, la plus part du public aurait été ravie, mais l’artiste et ses acolytes on fait exactement l’inverse, pour nous livrer Le grand moment partagé du festival.
Ouf, comme soufflés par la déflagration Sting, nous nous approchons de The Dø, duo français purement pop rock. Un live « transitoire », rien de péjoratif, qui va surfer sur une espèce de douceur sucrée de tout son long, reposant les organismes, adoptant une énergie plus diffuse, tout l’inverse de la densité de ce qui a précédé. Sans être révulsés par la prestation, nous ne sommes tout simplement pas demandeur de cette ambiance et nous nous préparons à l’électro des 2ManyDJ’s, qui jouissent d’une bonne image chez nous depuis leurs mash-ups rock’n’roll. Aïe, première sortie de route de ce beau festival, après 3 titre très « Ibiza boom boom party », l’ambiance nous a poussé d’elle-même dans nos véhicules. A en juger du temps abyssal mis pour s’extirper du parking, nous n’étions visiblement pas les seuls…
La pluie a fait trembler les festivaliers toute la matinée, mais une fois arrivés sur place, grand soleil pour la fin du concert de Elecampane, remplaçants au pied levé de George Ezra qui annulé sa tournée française la veille… Elecampane est né sur les braises chaudes de Concrete Knives, on y sent d’ailleurs clairement la filiation avec leur rock festif et dansant, encore une fois un parfait début de journée de festival. La place est alors faîte pour Django Django et leur pop électro froide comme un relent des 80’s. Le style défendu par le groupe trouve facilement sa place derrière les platines d’un studio, mais la retranscription live nécessite une sérieuse dose de charisme pour nous amener dans leur monde désincarné et glacé, une aura que l’on n’aura jamais trouvée…
Nous partons donc vers l’Israelien à la voix si particulière, Asaf Avidan. Le chanteur connait l’impression que provoque sa voix, et quand il n’en abuse pas, il crée de vrais moments uniques. C’est à ce titre que la prestation qu’il nous a livrée ne nous a pas complètement conquis. A trop vouloir en faire, trop dans la performance jusqu’à étirer à l’extrême les notes et les morceaux. En dehors de cela nous avons passé une heure très agréable en sa compagnie et celle de ses musiciens. Une voix laisse sa place à une autre voix, et Benjamin Clementine, auteur du « At Least For Now » qui nous avait enchanté, se présente. Et bien nous pourrons décerner au pianiste dépressif le label « concert doigt d’honneur ». Oui dépressif, d’accord, mais même cela, il n’a pu le communiquer, le concert est passé comme un long métrage de Derrick doublé en hongrois, au delà de l’ennui. Le coup de l’artiste maudit, on connait, mais là, nous nous sommes plus sentis spoliés, voire pire, qu’autre chose. Après deux grosses voix, quoi de plus logique que de nous amener Etienne Daho… Les fans présents ont semblé comblés, mais nous n’avons pas fait l’effort.
Nous étions alors prêts pour, contre toute attente encore une fois, un moment sublime, intemporel, magique, celui que nous a offert Timber Timbre. Le groupe pourra se targuer de nous avoir livré le concert le plus personnel, le plus charnel, le plus habité. C’est quelque part entre Elvis et Grinderman que les Canadiens ont trouvé la clé pour donner une vie live à leur folk électro magnifique soit, mais particulièrement apathique. Nous avons littéralement été happés par la puissance de cette rage contenue, à fleur de peau et ses quelques explosions syncopées, par la prestance de chacun et la voix profonde et hypnotique de Taylor Kirk.
Après cette explosion des sens, nous voilà arrivé à la clôture de ces 3 jours particulièrement bien occupés : Lenny Kravitz. Ce que nous craignions pour Sting, le concert RFM, ajoutez-y un peu de moyens, et vous comprendrez que nous n’avons pas supporté longtemps ces minutes perdues.
Cette année 2015 ne semblait pas être la bonne, en fait elle fut peut-être la plus réussie sur le plan des découvertes et redécouvertes. Quand on a programmé en deux ans The Jon Spencer Blues Explosion, Nick Cave And The Bad Seeds, Dead Can Dance, Portishead, Damon Albarn et les Pixies, il est difficile de maintenir le niveau, et John Beauregard a eu le bon goût de ne pas jouer la surenchère en partant sur une autre voie. Le festival ne sera jamais un festival indé pur, à prendre de gros risques artistiques, mais d’année en année, il se fend d’une très belle carte de visite.
2016? Hâte d’y être…