Cela faisait plus de six ans que PJ Harvey n’était pas remontée sur scène et, pour la voir en France, les possibilités étaient réduites à l’essentiel puisque c’était ce jeudi 12/10 à l’Olympia ou le lendemain au même endroit et rien d’autre. Evidemment, les places n’avaient pas mis longtemps à partir et le public n’a pas tardé à garnir la fosse et les balcons. Quand les lumières s’éteignent, la clameur est à la hauteur de l’impatience. Les quatre musiciens qui accompagnent PJ Harvey sur cette tournée, Jean-Marc Butty, James Johnston, Giovanni Ferrario et l’inamovible John Parish investissent la scène les premiers, puis PJ arrive, vêtue d’une sobre longue robe cintrée, s’avance simplement vers le devant de la scène et reste quelques instants à recevoir les ovations, sans paroles ni gestes, juste avant que ne résonnent les premières mesures de Prayer At The Gate, qui ouvre le concert comme le morceau ouvre « I Inside The Old Year Dying », le nouvel album paru cet été.

L’émotion d’entendre la voix de Pj Harvey prévaut et l’ambiance se fait immédiatement intime et respectueuse. Dans la foulée, l’Anglaise enchaîne d’autres titres de l’album, qui ne sera pas la cheville ouvrière du concert mais va être interprété en intégralité et sans autres titres du répertoire de PJ Harvey au milieu. Un choix fort, forcément risqué, « I Inside The Old Year Dying » étant une oeuvre fragile, introspective et aux antipodes de l’aspect fédérateur qui peut être recherché en live, mais assumé avec un aplomb et une classe qui vont forcer le respect. PJ Harvey occupe la scène avec de grands gestes déliés et presque ralentis, pour coller à l’ambiance des morceaux, se montre d’une justesse exceptionnelle au niveau du chant et d’une présence magnétique. Plus loin, quand, après s’être contentée du micro, elle s’empare d’une guitare, un murmure parcourt le public, démontrant à quel point elle est associée à l’instrument et a durablement marqué l’imaginaire de ses fans depuis ses débuts dans les années ’90. Au jeu du titre qui concentre le plus de beauté et d’émotion, c’est comme sur disque le magnifique All Souls, sur lequel la voix de PJ Harvey s’élève encore et encore qui remporte la palme.

Une fois les dernières mesures de A Noiseless Noise terminées, PJ Harvey quitte la scène pour laisser ses quatre comparses assurer la transition avec une belle version en choeur de The Colour Of The Earth sur le devant de la scène. Quand PJ Harvey revient, elle enchaîne d’ailleurs sur d’autres titres de « Let England Shake ». Et le premier constat, c’est la volonté, en dépit du choix de PJ Harvey d’interpréter d’abord « I Inside The Old Year Dying », de ne pas scinder le concert en deux parties distinctes mais au contraire de faire entrer le reste de son répertoire dans l’ambiance intimiste et dépouillée précédemment créée. Et cela fonctionne à merveille sur le superbe The Glorious Land, puis sur Angelene et peut-être plus encore The Garden, tous deux issus d »Is This Desire », sommets d’envoûtements. Et puis, sans crier gare, sans ciller, PJ Harvey dégaine Man-Size, morceau radical qui fête ses trente ans cette année et pas entendu en live depuis au moins une décennie. Sans surenchère ni fioritures, la radicalité rêche du morceau impose sa puissance intrinsèque, sans une ride. Et comme si ça ne suffisait pas, l’Anglaise enchaîne avec Dress pour définitivement faire chavirer l’Olympia, et conclut avec To Bring You My Love. 

Bien sûr, le public en voulait encore et on aura droit à un peu plus que du rab. Car si, en guise de rappel, PJ Harvey se contentera de deux titres, elle offrira d’abord une version impeccable de Cm’on Billy puis concluera avec une version au-delà des mots, belle à pleurer, complètement indépassable de White Chalk. Sans susciter une quelconque nostalgie ni rien renier, PJ Harvey a offert ce qu’elle était aujourd’hui, une grande artiste toujours exigeante, qui ne se met jamais au-dessus de sa musique. La très grande classe.

 

 

• Publication 1 070 vues16 octobre 2023
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