"> Deerhunter @ Trianon - 22 mai 2013 - Live Report - Indiepoprock

Deerhunter @ Trianon – 22 mai 2013


Bradford Cox, créature aussi haute que le batteur et co-fondateur de Deerhunter, Moses Archuleta, sur son promontoire, Cox dont les épaules anguleuses et le torse plat donnent à son tee-shirt arborant le nom d’un groupe de punk séminal un air d’étendard, est dans un monde à lui seul. Dans ce monde, le chanteur né en […]

Bradford Cox, créature aussi haute que le batteur et co-fondateur de Deerhunter, Moses Archuleta, sur son promontoire, Cox dont les épaules anguleuses et le torse plat donnent à son tee-shirt arborant le nom d’un groupe de punk séminal un air d’étendard, est dans un monde à lui seul. Dans ce monde, le chanteur né en 1982 semble avoir quinze ans. Le volume assourdissant, les larsens provoqués sciemment avec sa guitare, ne sont pas un énième défi au public, mais une sincérité un peu adolescente qui trouve la bonne formule pour entrer dans l’histoire. La même qui le porte à déclarer qu’il déteste l’indie rock, à utiliser une variété invraisemblable de guitares, d’effets et de percussions, ou à déclarer que sa chanson préférée de tous les temps est Blue Milk de Stereolab. Cette sincérité le voit imiter les groupes les plus admirés de sa longue adolescence, The Strokes en tête (« J’aime les Strokes car j’aime le rock n’ roll »), avec une fièvre aussi envieuse que triomphale. Elle fait de lui l’un des artistes de sa génération les mieux capables de véhiculer l’esprit du rock n’ roll, en exposant sa propre forme d’étrange juvénilité. Cox vole par son apparence un charisme que beaucoup n’auront jamais. On se demande, à un moment, s’il ne va pas manger le hit-hat de Moïse, l’une des petites ‘maniaqueries’ du son Deerhunter.

Le groupe Deerhunter n’est qu’un versant de Bradford Cox. C’est un tiers de son expérience artistique dans laquelle on le voit entouré de musiciens à la maturité tellement plus ordinaire, prêts, eux, à se réclamer de l’indie rock, à se jeter des regards timides sans jamais dévisager le public ni s’adresser à lui, voire à vendre des tee-shirts sur un stand de merchandising. Atlas Sound, C’est le second tiers, où il fait mine d’être seul pour mieux être entouré de ceux qu’il porte dans son cœur, famille et musiciens. Le dernier tiers, c’est la musique que Cox écoute, la sous-culture dont il se nourrit et qui lui donne son pouvoir de révérence.

Dans la salle, il y a ceux qui, devant la scène, captent l’énergie comme elle vient, recherchent l’attention de Cox, l’affection d’un leader, qui veulent ressentir la vibration compulsive qui traverse la musique de Deerhunter et culmine avec une nécessité primitive avec Monomania, la chanson titre du dernier album. Ceux là semblent les mieux à même de comprendre la prière stridente et disparate qui sera formulée ce soir. « Si tu ne peux m’envoyer un ange/Envoie moi autre chose à la place » chante le grand échalas. Toute cette expérience rappelle ce qu’il déclarait, interviewé par Stevie Chick pour Mojo Magazine. « Ce n’est pas la reverb’ qui m’attire, mais le fait que la musique puisse être hantée. Je n’ai jamais écouté Slowdive ; je n’ai jamais regardé mes chaussures en jouant [il fait allusion aux musiciens dits shoegaze et à tout un pan de culture rock alternative] ; je fixe les gens droits dans les yeux. »

De frustrant, le concert devient étrangement réconfortant, lorsqu’Agoraphobia apporte une perspective vertigineuse, comme si toute les pièces d’une conscience avaient, avec le chaos le plus authentiquement juvénile, enfin regagné leur place. C’était l’une des chansons phares de « Microcastle ». « I had a dream/no longer to be free/i want only to see/four walls made of concrete. » Ce sont les choses abstraites, comme des traits de la poésie de la dépendance, de la nuit, du rêve et de la solitude, auxquelles le nouvel album et des chansons telles que Dream Captain, THM ou Sleepwalking  se rapportent de façon idéale. Et The Missing, écrite et chantée par Lockett Pundt, contrebalance avec plus de douceur le déluge perçant du jeu de Cox.  Avec une telle cohérence, on a l’impression que la carrière de Deerhunter, et de Bradford Cox, ne fait que commencer.

Chroniqueur
  • Publication 536 vues8 juin 2013
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