C?est un véritable buzz qui a suivi, le mois dernier, la sortie de « O », l?excellent premier album du nouveau prodige de la folk, Damien Rice. La presse unanime le compare à la fois à Tom McRae, au regretté Elliott Smith et même à Sigur Ros !
On était en droit d?attendre beaucoup du concert que donnait le rouquin romantique à la Boule Noire. Pour l?occasion la petite salle parisienne affichait complet et tous attendaient fébrilement l?entrée en scène du dublinois et de sa bande. Car Damien Rice ce n?est pas qu?une voix (magnifique), une sensiblilité isolée. Il est accompagné, sur disque comme en live, par un bassiste, un batteur, une violoncelliste et, surtout, par son double féminin, l?ensorcelante chanteuse Lisa Hannigan.
Longiligne, d?une grande classe, une rivière de cheveux bruns encadrant son visage gracieux, Lisa Hannigan prête sa voix de velours au refrain de « Volcano » et la timidité laisse place à la sensualité. Tout au long de la prestation de Damien Rice elle sera là, parfois effacée, mais toujours complémentaire. Sa présence et son timbre sont indispensables à l?univers de Damien Rice, dans lequel on pénètre facilement, comme s?il nous prenait par la main pour y entrer avec lui.
La première chose qui touche lors d?un concert de Damien Rice, c?est la proximité, l?intimité qui se crée entre lui et son public. Généreux, avenant, drôle, Damien Rice gâte ses fans. Passant en revue tous les titres de son album, des inédits, des faces B (« The professor », « Woman like a man » l?étonnant single qui ne figure pas sur l’album) et s?accorde un petit plaisir en reprenant l?Hallelujah de Léonard Cohen, qu?il enchaîne au mystique « Cold Water », qui sonne résolument moins ridicule sur scène.
Car l?une des rares choses qu’on peut reprocher à Damien Rice, c?est son incapacité à éviter l?emphase, sur disque en tout cas. Comme en témoignent le bizarre « Cold Water », où l?on croit entendre la voix de Dieu, ou encore le très joli « Eskimo », gâché par un final lyrique grandiloquent. Mais sur scène, la folk intimiste et précieuse de Rice prend toute son ampleur. Les quelques faux pas du disque sont estompés par la sincérité du chanteur et la fragilité de sa complice. On est proche de la béatitude quand sonne l?heure du rappel et c?est là qu?arrivent les meilleures surprises.
Avant le retour du chanteur, sa violoncelliste, Vyvienne Long, s?offre une petite escapade et entonne « Seven Nation Army » des White Stripes, en s?accompagnant au violoncelle. Le public exulte. Damien Rice revient sur scène, et la complicité reprend sa place. Le jeune Irlandais s?efforce de parler en français et explique à son auditoire l?histoire de ses chansons par quelques introductions parfois laborieuses, comme pour « Older Chests ». Quand une personne du public lui demande de jouer « The Blower?s Daughter » il s?exécute, en dédiant avec humour la chanson » pour le monsieur là bas ». Avant d?entamer l’un des chefs d??uvre de « O », « Cheers Darling », il restitue, cigarette au bec et verre de vin à la main, l?ambiance d?un pub irlandais. Puis, avec ses airs de cantatrice discrète, Lisa Hannigan confère une étrange beauté à la version acoustique d? « Eskimo ». Le concert se finit sur sa voix fragile, récitant une version revue et corrigée de « Silent night » avant d?inviter le public à quitter la salle sur un « bonne nuit » prononcé dans un français charmant.
Avec ses chansons intimistes et sa voix d?opale, changeant de timbre selon
les humeurs de ses personnages, Damien Rice a transformé pendant plus de
deux heures la Boule Noire en un gigantesque ch?ur/c?ur tout chaud, débordant
d?amour. On sort de là empli de joie de vivre et l?âme légère, persuadé d?avoir
trouvé en ce songwriter de talent un nouvel ami avec qui partager nos
pensées les plus intimes.