"> Natacha Tertone - Le Grand Déballage - Indiepoprock

On a aussi écouté Natacha Tertone – Le Grand Déballage

Il y a quelque chose de déroutant, et de salutaire, à transcender ainsi le temps, en republiant quelques décennies plus tard un album qui marqua son époque d’une si curieuse façon. « Le Grand Déballage »‘ – qui propulsa Natacha Tertone sous les feux d’une rampe indie aussi intense que fragile – demeure, en 2024, un disque fascinant.

Il démontre, avec une telle évidence, la frénésie qui accompagne le jeu des sorties et des nouveautés. De cette cadence effrénée qui semble avoir transformé le monde en vaste zone d’obsolescence programmée. Tout juste revisité l’album est d’une fraîcheur sidérante, au regard de la cruelle vieillesse prématurée de certaines productions stars des années 90.

S’il s’inscrivait dans ce beau mouvement d’une pop française en pleine renaissance, qui se réinventa à l’abri du rouleau compresseur de la bande FM, il a su trouver son propre chemin.

Une singularité qui n’est pas sans rappeler, avec le recul, l’esprit qui animait les Young Marble Giants. Celui d’un minimalisme particulièrement sophistiqué, d’une musique à la lisière du post-punk et d’une pop sui generis.

Une musique douce et brutale, délicate et inquiétante, à l’inventivité débordante, où tout s’entrechoque, où rien ne semble impossible. Où la noise côtoie l’extrême mélancolie, marqueur d’une lucidité se posant sur la réalité telle qu’elle est, sans fard. De ce regard singulier naissait alors une poésie qui ne pouvait rester ankystée entre deux époques. Surtout quant elle était propulsée par une musique qui, sans chercher à être en avance, avait trouvé les clefs de sa liberté.

Sauf que la liberté se paye cher. Mais qu’elle offre ce miracle qui, lui, n’a pas de prix. Celui de n’être prisonnier d’aucune mode, ni d’aucun carcan. Et de faire ployer le temps. Et le jeu imbécile qui caractérise un système basé sur l’oubli et les désirs trop éphémères pour être honnêtes. « Le Grand Déballage » est d’hier, et d’aujourd’hui plus que jamais.

Yan
Chroniqueur