Le premier album solo d'Alice Glass. Emancipation de Crystal Castles, ou pas...
Au tournant des années 2000/2010, Crystal Castles, le duo formé par Ethan Kath et sa comparse Alice Glass célébrait le mariage d’une electro binaire et d’un propos punk et faisait de Crystal Castles un phare de la musique indé. Le temps de trois albums, ce duo bien assorti entre un machiniste doué sans laisser de côté un côté brut impeccablement magnifié par une personnalité volontiers séduisante et outrancière, au chant incendiaire, a réussi un joli petit bout de chemin. Et puis, en 2014, dans la lignée de maintes duos du paysage musical avant eux, les deux se sont brouillés avec perte et fracas et un festival d’acrimonie s’est déversé par presse et réseaux sociaux interposés. En 2016, Ethan Kath a définitivement tenté de rayer Alice Glass de la carte puisque, après avoir déclaré qu’elle n’avait de toute façon jamais eu la moindre influence sur la musique de Crystal Castles, il a publié en compagnie d’une nouvelle chanteuse « Amnesty/I », quatrième album de Crystal Castles. Le chiffre romain « I » avait son importance puisque les précédents albums d’Ethan Kath et Alice Glass étaient sobrement intitulés « I » « II » et « III ». Ethan Kath signifiait ainsi qu’il reprenait les choses au début. A la réserve près que la remplaçante d’Alice Glass sur « Amnesty/I » avait bien du mal à passer pour autre chose qu’un ersatz de cette dernière et que, depuis, aucun nouveau disque signé Crystal Castles n’est paru. De son côté, Alice Glass n’a a priori toujours pas digéré la séparation puisque, après un premier EP solo en 2017, il aura fallu attendre cinq années supplémentaires pour voir paraître un album. Un album intitulé « Prey//IV », le chiffre romain « IV » étant là pour revendiquer que, pour Alice Glass, il s’agit bien de son quatrième album, façon de se réapproprier, ne serait-ce qu’en partie, les trois albums de Crystal Castles. Non, décidément, la page a bien du mal à se tourner.
Afficher de façon aussi évidente cette difficulté à passer autre chose au moment de sortir un album solo n’était pas la meilleure manière de le promouvoir car, inévitablement, cela pousse à chercher où commence et où se termine la possible émancipation d’Alice Glass. De fait, à l’écoute de « Prey//IV », c’est peu ou prou cet axe qui prévaut. La capacité d’Alice Glass à adopter un chant formellement « débraillé » et incendiaire sans en perdre la maîtrise fait partie de ses qualités et cela lui permet, en continuité avec Crystal Castles, de susciter des moments intenses et fédérateurs, sur Fair Game ou The Hunted. Sans toutefois s’éloigner de schémas sonores balisés ni particulièrement impressionner en termes d’écriture, loin de là. Ses premiers singles en solo avaient pourtant laissé transparaître une capacité à glisser vers une approche plus posée, plus « pop ». Ici, Alice Glass va réussir à ébaucher cette nouvelle approche le temps de deux titres consécutifs, Baby Teeth et Everybody Else. Le second nommé est incontestablement le titre le plus réussi de l’album. D’aucuns diront que c’est aussi le plus abordable mais la fluidité de la mélodie, les petits arrangements en contretemps, le petit groove insufflé et le chant tenu apportent une singularité.
Sur le reste de l’album, Alice Glass reste trop dans un entre deux entre son héritage Crystal Castles et cette nouvelle approche pour pleinement convaincre et, fatalement, les titres tombent dans une forme de neutralité qui laisse relativement indifférent. Witch Hunt souffre particulièrement de ce constat. Au final, pour Alice Glass, le principal mérite de « Prey//IV » est certainement d’exister. Si la mue est encore très incomplète, au moins, les choses sont posées. A elle maintenant de faire de cet album un jalon pour aller de l’avant.
- Publication 550 vues28 février 2022
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