Le Montréalais Amon Tobin se dirige vers un endroit inexploré de la musique électronique, offrant à écouter avec "ISAM" le résultat de ses recherches sonores incessantes. L’ordre d’ici, rare pour de la musique, est celui de la nature ; en son sein, chaque élément entretient une multitude de relations, dans un environnement proche, puis un peu […]
Le Montréalais Amon Tobin se dirige vers un endroit inexploré de la musique électronique, offrant à écouter avec "ISAM" le résultat de ses recherches sonores incessantes. L’ordre d’ici, rare pour de la musique, est celui de la nature ; en son sein, chaque élément entretient une multitude de relations, dans un environnement proche, puis un peu plus lointain et ainsi de suite, jusqu’à former cet « ordre naturel » qu’on ne peut cerner qu’en étudiant longtemps certains des éléments dominants qui le composent. On s’attache aux formes les plus remarquables, et Tobin, en liant l’artisanat de l’échantillon sonore à celui de la synthèse sonore, en a façonnées quelques-unes pour sa collection.
Tobin a fait un énorme travail pour susciter, puis pour identifier et reproduire certaines sonorités. S’inspirant de son expérience de capture de sons d’ambiance, il a reproduit la perméabilité, l’interaction de ces sons en les tirant de son imagination. Ce sont des frétillements, des craquements, des glissements, et quelques beats qui rappellent l’héritage dubstep de l’ensemble. "ISAM" est un disque assez abstrait, mais dont la musique, d’une qualité sonore exceptionnelle, est capable de surgir, ses éléments revêtant un pouvoir d’attraction, de séduction même, décuplé, comme sous une lentille de microscope. C’est une musique très dense, qui ne laisse jamais en attente, mais demande au contraire une attention de tous les instants. Il faudra l’étudier, avec une minutie rare et un plaisir certain.
Tobin fait croire à l’auditeur qu’il tente quelque chose, qu’il accomplit une improbable transition, et que son disque lui-même n’est qu’un travail inachevé. Goto 10, dont la structure est plus familière (on pense à Autechre), suggère que ce n’est pas le cas, mais que Tobin s’autorise la disparité par goût.
Il faut y retourner pour en saisir les arrêts, les nouvelles directions prises, les pauses, les ralentis, qui rarement s’acheminent vers un modèle spécifique. Et les plongeons, tels ce Dropped From the Sky en final, décontracté, sur lequel Tobin assume clairement le simple plaisir d’enregistrer les sons qui lui plaisent le plus – les voix de synthèse sur ce titre sont le péché mignon de l’album.
Tobin, à ce stade de sa carrière, une quinzaine d’années après ses débuts et alors que sa trilogie fondatrice "Bricolage" (1997), "Permutation" et "Supermodified" (2000), se libère de sa dépendance à un genre musical et aux techniques, telles l’échantillonnage, que les années ont rendues bien traditionnelles. "Foley Room" (2007) son précédent album, tentait de lier une musique « purement basée sur la sculpture sonore» et «des morceaux capables de provoquer l’émotion physiquement chez les gens ». C’est six mois de travail pour apprendre à utiliser un nouveau logiciel. Le talent particulier de Tobin est de faire de cet objectif très ambitieux un plan de carrière plus que valable. Il s’est mis, entrainé par le label renommé Ninja Tune, à récolter un beau succès.
Sur "Foley Room" déjà, les meilleurs morceaux étaient aussi les plus aventureux : Horsefish ou Big Fury Head, parce qu’ils parvenaient à nous faire oublier la démarche progressive de Tobin pour simplement subjuguer. Il est parfois difficile de définir quels nouveaux territoires "ISAM" explore, mais sur les plan des émotions, c’est une nouvelle félicité qui est exprimée, notamment dans le dernier tiers de l’album, moins déconstruit.
- Publication 572 vues24 novembre 2011
- Tags Amon TobinNinja Tune
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Tracklist
- Journeyman
- Piece Of Paper
- Goto 10
- Surge
- Lost & Found
- Wooden Toy
- Mass & Spring
- Calculate
- Kitty Cat
- Bedtime Stories
- Night Swim
- Dropped From The Sky