Beach House nous fait le coup de l'album surprise, moins de deux mois après la publication de "Depression Cherry'.
On l’avoue sans peine, quand on a appris que Beach House allait publier un nouvel album quelques semaines après la sortie de « Depression Cherry », on a été complètement pris à revers. Parce qu’on s’était habitués au rythme du duo, à savoir un album tous les deux ou trois ans au maximum, et parce que ça nous semblait naturel, sachant que chaque disque, sans bousculer les fondations des précédents, marquait de subtiles inflexions. Bref, suivre Beach House, c’était s’inscrire dans le temps, observer une évolution au fil des années. Evidemment, deux albums en deux mois, ça bouscule le schéma, au point qu’il ne nous était pas possible de nous jeter sur « Thank Your Lucky Stars » dès sa sortie. Pas avant d’avoir pu complètement posséder « Depression Cherry », de l’avoir remis en perspective avec les autres albums du duo et de voir, sur la longueur, comment il s’inscrivait dans leur parcours.
Et puis d’abord, c’est quoi exactement ce « Thank Your Lucky Stars » ? Des chutes de studio, des pistes de travail plus ou moins laissées en route, des morceaux laissés au rebut quand il a fallu choisir ceux qui figureraient sur « Depression Cherry » ? Victoria Legrand et Alex Scally ont affirmé que non, que les deux albums ont été enregistrés séparément, sont totalement distincts l’un de l’autre. A vrai dire, rien ne nous pousse à ne pas les croire et « Thank Your Lucky Stars » n’est pas un « Depression Cherry » au rabais. Au point qu’il offre même un versant inédit de Beach House, qu’on associe souvent, à raison, à des ambiances ouatées, alanguies. Sur « Thank Your Lucky Stars », ça grince et il arrive que ça sonne froid. Les titres des morceaux sont à l’avenant : « Depression Cherry », avec ses Levitation, Space Song, annonçait la couleur, il en est de même ici : Elegy To The Void, Rough Song, on a compris le message.
Pour autant, il ne faut pas tomber dans la caricature et dépeindre l’album comme un manifeste gothique. Beach House privilégie toujours les tempos langoureux, les mélodies sont toujours soignées. Mais le duo fait entrer le clavecin dans sa palette sonore, les accords de guitare d’Alex Scally sont concis, sans fioritures, ce qui rend leurs compositions plus crues, plus tendues par moments, la production ne polit pas les angles, se révèle brute. Victoria Legrand, elle, démontre s’il en était besoin qu’en tant que chanteuse, elle a atteint sa plénitude. Ainsi, sans chercher à surjouer de son timbre puissant et ambivalent, sans non plus adopter le côté cristallin développé sur « Depression Cherry », elle domine l’ensemble avec un naturel confondant. Encore une fois, le duo réussit un sans-fautes dans l’écriture : du limpide She’s So Lovely au planant et presque shoegaze One Thing, du troublant Common Girl au saisissant Elegy To The Void, rien à jeter.
Beach House réussit donc un sacré coup. En sortant deux albums la même année, soit dix-huit chansons en tout, ils se montrent prolifiques et nullement effrayés par le manque d’inspiration. Surtout, tout le monde s’est fait avoir. On pensait que Beach House était du genre à faire des petits pas, ce dont leurs admirateurs se félicitaient, trop heureux de louer leur capacité à suivre la même trajectoire sans pour autant se répéter, tandis qu’au contraire leurs contempteurs ne cessaient de dénoncer une incapacité à renouveler leur formule en profondeur. On imagine sans peine qu’à la sortie de « Depression Cherry », sachant qu’il avait une autre carte dans sa manche, le duo a dû s’amuser à observer le petit manège des critiques, positives ou négatives. Et on ne leur en tiendra pas rigueur.
- Publication 1 136 vues15 décembre 2015
- Tags Beach HouseBella Union
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Tracklist
- Majorette
- She's So Lovely
- All Your Yeahs
- One Thing
- Common Girl
- The Traveller
- Elegy to the Void
- Rough Song
- Somewhere Tonight