"> Black country New road - For The First Time - Indiepoprock

For The First Time


Un album de sorti en chez .

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Premier album du combo intello arty londonien, sous les feux des projecteurs en ce début d'année.

Le groupe qui fait le buzz sur la foi de quelques titres et qui, au début d’une nouvelle année, sort son premier album, scruté à la loupe. Vous connaissez ce schéma maintes fois répété et, en 2021, c’est Black country, New Road qui s’y colle. Pourquoi ? Comment ? Il y a d’abord les éléments traditionnels : la jeunesse des membres du groupe, les origines londoniennes (via Cambridge), un peu de charisme et de gouaille, deux ou trois échos favorables sur de prétendues prestations scéniques intenses, des morceaux divulgués au compte-gouttes, une petite aura de mystère. Ajoutez les tendances du moment : en l’occurrence, la petite troupe trousse des morceaux tout en tension, échevelés, ce qui colle bien avec la flopée de groupes post-punk apparue ces trois dernières années. Saupoudrez d’une touche d’exotisme : chez Black country, New road, il y a du monde (sept membres), et donc de la place aussi bien pour les guitares que les cuivres, des dynamiques à géométrie variable. Et du coup, pour ce premier album, c’est Ninja Tune, label généralement plus porté sur l’électro, qui édite « For The First Time ». Voilà pour l’emballage. Du coup, l’album à peine sorti, il y a eu ceux qui ont fait la fine bouche en relevant un certain potentiel évident chez le groupe mais ont joué la carte de l’attentisme en arguant qu’il faudrait voir ce que ça donne effectivement sur scène. Sauf que, par les temps qui courent, avec les concerts qui ne redémarrent toujours pas, il y a peut-être plus malin comme approche. Il y a aussi ceux qui relèvent un côté tête à claques chez ce groupe, notamment chez son leader Isaac Woods et ses tirades bavardes, tout en lui reconnaissant, à lui et, par la même occasion au groupe tout entier, un certain brio. Bref, dans un cas comme dans l’autre, la même sensation qu’avec Black country, New road, personne ne veut trop s’emballer, sans non plus souhaiter se montrer trop radical dans la critique. Maintenant, puisque « For The First Time  » est là et que, jusqu’à nouvel ordre, il faudra s’en contenter, autant essayer de s’en dépatouiller.

Six titres, avec une durée oscillant entre cinq et dix minutes, c’est le cadre. Sur la forme, « For The First Time » ne donne pas l’impression que le groupe s’est torturé l’esprit pour lui trouver une forme, justement. Au contraire, on a le sentiment que ces six morceaux sont ceux qu’ils maîtrisent le mieux et qu’ils les ont interprétés les uns derrière les autres en peu de prises. Récemment, Isaac Woods déclarait d’ailleurs que le second album n’était pas loin d’être bouclé. Dit comme ça, « For The First Time » pourrait donner l’impression d’être un disque vite « torché », mais ce ne serait pas lui rendre justice. Disons plutôt que ça ressemble à une photographie à un instant T de ce que peut faire le groupe davantage qu’à une oeuvre profonde et aboutie. Ce qui, au final, n’est pas déplaisant. Avoir l’impression qu’un groupe très attendu sort un premier album sans en faire une montagne et se donne d’emblée un horizon plus lointain, ça change un peu du schéma où le premier album doit déjà tout dire, au point parfois d’assécher un groupe.

Sur la forme encore, Black country, New road apporte une vraie fraîcheur. Les guitares sont là par moments, parfaites pour le côté montagnes russes que le groupe donne à des morceaux comme Opus ou Sunglasses. Le côté musique Klezmer, la touche exotique du groupe, présente encore une fois sur Opus ou dès l’introductif Instrumental, est peut-être l’aspect le plus difficile à dompter dans l’ensemble, les sonorités répétitives étant un peu entêtantes au début, mais on s’y fait. Le chant d’Isaac Woods, très direct et habité, apporte une touche émotionnelle et une incarnation qui évite au groupe de se faire cataloguer trop vite dans la catégorie intello/arty cérébrale et rasoir. Basse et percussions sont elles aussi bien en place et participent à la tension toujours palpable, jamais non plus forcée, de la musique du groupe. Quant aux morceaux en eux-mêmes, sans être bouleversants, ils sont le résultat d’une écriture solide, inspirée et libre. Et c’est sans doute là la plus grande réussite du groupe. Etre parvenu à donner vie à une musique libre, à la croisée des chemins et des styles, sans tomber dans une surenchère qui aurait pu tourner à la grande tambouille indigeste. Le nom de Slint a beaucoup été cité à titre de comparaison, et celle-ci s’avère globalement pertinente, notamment dans les ruptures, les moments faussement calmes qui couvent de nouvelles poussées de fièvre. Mais Black country, New road n’est certainement pas un groupe clone et trace déjà joliment son sillon. Nier que cet album ne suscite pas l’envie de renouer avec l’énergie et l’expérience partagée des concerts serait mentir mais, en soi, c’est déjà un accomplissement et il faut le prendre comme tel.

Rédacteur en chef
  • Pas de concert en France ou Belgique pour le moment

Tracklist

  1. Instrumental
  2. Athens, France
  3. Science Fair
  4. Sunglasses
  5. Track X
  6. Opus

La disco de Black country New road