Les comebacks de groupes aussi immenses que Blur sont parfois plus casse-gueules qu'autre chose... Qu'on se rassure tout de suite, ce groupe-la ne fait rien comme les autres, et signe avec "The Magic Whip" un retour quasi-miraculeux.
C’était presque inespéré. On n’osait plus vraiment y croire… Enfin pourtant, ce jour a fini par arriver. Il aura fallu pas moins de 12 ans pour délivrer « The Magic Whip », successeur de « Think Thank ». Joie! On y est, pour de vrai : Blur est enfin de retour !
« The Magic Whip », album traversé par un sentiment d’errance, a été profondément influencé par l’Asie, et plus particulièrement par la Chine. Ce qui n’est finalement pas si étonnant, lorsqu’on sait que, géographiquement parlant, Blur s’est déjà maintes fois penché sur l’Angleterre (dépeignant ses personnages les plus burlesques) ainsi que sur les Etats-Unis (brossant un portrait plutôt –hum- incisif de l’american way of life). Pour notre plus grand bonheur, ces pérégrinations chinoises sont accompagnées d’une bonne dose de lalala bien british !
Un mot sur la genèse de ce disque. Eté 2013, le groupe est en tournée au Japon, lorsqu’un concert à Tokyo est annulé. Plutôt que de rentrer chez eux, les membres de Blur décident de passer quelques jours à Hong Kong, pour jouer ensemble de manière casual, sans enjeu aucun. Quatre jours et quelques mélodies plus tard, les membres du groupe retournent vaquer à leurs occupations respectives -Damon et ses innombrables projets divers et variés, Alex surfe entre le journalisme, la fabrication de son propre fromage, Dave jouit d’une seconde carrière en tant qu’avocat, tandis que Graham évolue dans un univers musical plus psyché -, laissant derrière eux ce qui est encore à l’état de brouillon total.
Ce n’est qu’à l’automne dernier que Coxon – avec pour complice Stephen Street, le producteur historique du groupe – prend l’initiative de se repencher sur ce qui avait alors été créé . En quelques jours seulement, le brouillard se dissipe, les voix s’ajoutent, les morceaux prennent vie.
Dès les premières secondes de l’album, avec Lonesome Street, il n’y a pas l’ombre d’un doute, c’est bien à Blur qu’on a affaire : ce genre de riff est reconnaissable entre mille. Lonesome Street est donc du Blur pur jus, et n’aurait pas dénoté sur « The Great Escape », aux côté d’Ernold Same ou Globe Alone : le groupe renoue avec un de ses sujets favoris, à savoir la solitude, l’isolement dans la ville.
Blur a toujours été des plus habiles pour chanter allègrement la monotonie et l’ennui ( Country House, Charmless Man, Entertain Me, Magic America, la liste est longue) ; plus encore, c’est un de leurs atouts majeurs, qui est donc bien présent dès l’intro de l’album.
Carrément plus minimaliste, c’est la mélancolique New World Towers qui prend le relais. Le titre, qui n’est pas sans rappeler les compos récentes d’Albarn en solo, fait référence à l’architecture d’Hong Kong. Damon y renoue avec le piano tandis que Coxon joue un arpège des plus doux.
Go Out est quant à elle presque déjà devenue classique ! Ce titre à l’impact indéniablement immédiat a un excellent live potential qu’on a hâte de constater…
Ice Cream Man rappelle un peu certains titres de Gorillaz, avec son faux-air de petite comptine et son xylophone cyclique, tandis que la très songeuse Thought I Was A Spaceman nous offre 6 minutes d’expérimentation cosmique ; notons que Damon s’exprime à la 1ère personne, ce qui est très rare avec Blur ou, en général, il se contente plutôt de nous raconter les histoires des autres. Au fur et à mesure du titre – sans doute le plus étrange de l’album, le trémolo se fait outrancier, les couches d’instruments et d’effets se superposent, se multiplient jusqu’à finalement créer une nouvelle facette, faussement décousue, de Blur. La grande nouveauté sur cette « complainte spatiale »? L’utilisation de sonorités orientalisantes.
I Broadcast, vive critique de notre monde en permanence maladivement ultra connecté, est un retour aux sources Blurien, hédoniste et exubérant ; elle est LA banger song aux riffs un peu punks de l’album, un peu comme l’ont pu être BLUREMI ou encore We’ve Got A File On You avant elle.
My Terracotta Heart, avec sa mélodie mélancolique, est le titre le plus intime et poignant de l’album, et pour cause : il y est question de la relation tourmentée entre Albarn et Coxon. La chanson est certes triste, mais à en croire la douce alchimie qui s’en dégage, on dirait que les relations du tandem ont bel et bien fini par s’apaiser : la magie opère totalement. Difficile notamment de rester insensible aux harmonies vocales qui viennent clôturer le titre.
There Are Too Many of Us est une chanson angoissée, presque menaçante, à la batterie rigide et au rythme quasi-militaire ; fort heureusement, elle est suivie de Ghost Ship qui au contraire est ultra-décontractée, douce, quasi-funky. Cette dernière remplit son job de break apaisant, et nous mène tranquillement vers Pyongyang – nom de la capitale nord-coréenne. Il n’est pas donné à tous d’associer pop-culture et oppression en mode Kim Jung-un, mais Blur s’en sort plutôt bien…
Ong Ong est le titre joyeux et facile de l’album. Sûr que son refrain guilleret et catchy (I Wanna Be With You, indeed) vous accompagnera pendant un moment après son écoute!
« The Magic Whip » se clôt sur la gracieuse Mirrorball, ballade spleenétique typiquement Blurienne baignant dans la reverb’, où Damon implore: « hold close to me ». Aucun problème…
En résumé, « The Magic Whip » ne devrait pas en décevoir beaucoup. C’ est un équilibre parfait entre ce qu’on attend de Blur (sans pour autant tomber dans le pastiche brit-pop), et une réflexion plus mature, grandie, forcément nourrie des projets solos des uns et des autres (un peu de psyché par-ci, un soupçon de world-music par-là). Les fans du groupe le savent : la musique de Blur a toujours été multidimensionnelle et bien plus complexe qu’elle n’y paraît en surface. « The Magic Whip », qui contient assurément des tubes à l’effet immédiat mais aussi des titres plus sombres et difficiles d’accès, est finalement la suite logique et cohérente pour Blur.
Le coup du come-back était risqué, mais Blur est un groupe si perfectionniste qu’il ne se serait pas jeté à l’eau si le résultat n’en valait pas réellement la peine ; et effectivement, « The Magic Whip » est un très bon album, qui prouve que le talent du groupe est intact. Reste à voir de quoi Damon et sa troupe sont aujourd’hui capables sur scène, et pour cela, RDV le 15 juin au Zénith !
- Publication 1 467 vues27 avril 2015
- Tags blurthe magic whipBlurParlophone
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Tracklist
- Lonesome Street
- New World Towers
- Go Out
- Ice Cream Man
- Thought I Was a Spaceman
- I Broadcast
- My Terracotta Heart
- There Are Too Many of Us
- Ghost Ship
- Pyongyang
- Ong Ong
- Mirrorball