Premier album de Crystal castles sans Alice Glass. Où l'on prend la mesure (ou pas) de l'importance de cette dernière dans les précédentes productions du duo.
Crystal castles, c’était jusqu’en 2014 un duo plutôt bien assorti : deux (fortes) têtes à claques, souvent horripilantes dans leurs déclarations mais parfaitement complémentaires. L’un, Ethan Kath, à l’aise pour bidouiller des sons souvent binaires, l’autre, Alice Glass, douée pour donner une touche à la fois punk et glamour à leur musique via une voix débraillée ou insidieusement subtile. Alors quand il y a deux ans Alice a annoncé avec perte et fracas la fin de sa collaboration avec son comparse, on en avait logiquement déduit que Crystal castles n’existait plus. Et puis, Ethan Kath a lancé un nouveau titre, annoncé la suite de l’aventure et, dans le même temps, affirmé que la contribution d’Alice à la musique de Crystal castles était de toute façon mineure. On passera vite sur l’échange d’amabilités qui s’en est suivi mais on est restés dubitatifs. Car le long de leurs trois albums ensemble, Ethan Kath et Alice Glass ont évolué, les climats épais et introspectifs de « (III) » n’ayant pas grand chose à voir avec l’ambiance incendiaire et foutraque de leur premier opus. Et en aucun cas on ne croira que cette évolution n’ait pas été le résultat d’une émulation entre deux personnalités mais le seul fait d’Ethan Kath.
Depuis, Edith Frances a pris la place d’Alice Glass au chant et, sur Frail, le premier titre sur lequel elle est apparue et qu’on retrouve sur « Amnesty (I) », la première réflexion qui nous est venue est que sa voix fait étrangement penser au timbre de celle qui l’a précédée… Evidemment, ce constat tend à accréditer la thèse d’Ethan Kath comme quoi, en gros, Crystal castles c’est lui et que ses collaboratrices sont interchangeables. A bien y écouter pourtant, sur la longueur de l’album, Edith Frances n’a clairement pas le grain de folie et le magnétisme, perceptible jusque dans sa voix, d’Alice Glass, aspect particulièrement criant quand Edith se lance dans ce qui ressemble presque à de la singerie (Enth). En revanche, elle se montre plutôt à son avantage dans les passages plus nuancés où elle peut installer un chant plus « classique », sur Char par exemple, ou sur Sadist.
Musicalement, « Amnesty (I) » est sans ambiguïté possible un album de Crystal castles, le côté brut et binaire de Fleece, la mélodie catchy de Char en dépit de sonorités basiques, les rythmes endiablés et les moments faussement apaisés, l’identité et la marque de fabrique sont là. Quand on a apprécié les autres albums de Crystal castles, à moins de faire un véritable blocage du fait du départ d’Alice, on accroche. Cependant, « Amnesty (I) » est un disque sur lequel Ethan Kath recycle, souvent avec pertinence, mais tout de même, ce qu’il a pu proposer auparavant. En d’autres termes, si on se montre clément, c’est avant tout parce qu’il faut aborder l’album comme un redémarrage. Car « Amnesty (I) », c’est onze titres ramassés en une grosse demi-heure, qui ont d’ailleurs en partie été divulgués au compte-gouttes depuis un an et demi, preuve que le nouveau duo avait pour priorité de montrer qu’il existait, davantage que proposer un contenu abouti. Frail, Concrete ou Ornament n’en sont pas moins de jolies réussites. Reste à savoir maintenant à quoi ressemblera la suite. L’opération survie est accomplie, l’étape réinvention s’annonce beaucoup plus ardue.
- Publication 1 256 vues23 août 2016
- Tags Crystal CastlesFiction
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Tracklist
- Femen
- Fleece
- Char
- Enth
- Sadist
- Teach Her How To Hunt
- Chloroform
- Frail
- Concrete
- Ornament
- Their Kindness Is Charade