"> David M. Stith - Pigeonheart - Indiepoprock

Pigeonheart


Un album de sorti en chez .

7

Un deuxième album pour un surdoué plus habitué à l'ombre qu'à la lumière.

Comme d’autres, Shara Worden alias My Brightest Diamond notamment, DM Stith a commencé par oeuvrer dans l’ombre pour Sufjan Stevens avant de se lancer sous son nom propre en 2009 avec « Heavy Ghost », son premier album. Un disque qui révélait une voix, malléable, capable de belles envolées, un immense talent d’écriture et, surtout, une audace formelle peu commune, avec des arrangements tantôt minimalistes, d’autres fois triturés qui donnaient à l’album une forme à part. Sept ans après, « Heavy Ghost » peut se voir attribuer le statut de chef-d’oeuvre secret. Secret parce que beaucoup de monde est passé assez vite sur ce disque, sans en prendre toute la mesure, avant tout parce que son auteur est de ceux qui n’aiment pas se « vendre », se mettre en avant, ce qui explique aussi le « gouffre » entre la publication de ce premier opus et de « Pigeonheart » aujourd’hui. Dans l’intervalle, notre homme n’est pas resté inactif, mais n’était tout simplement pas préparé à gérer une carrière personnelle et à laisser de côté ses collaborations pour ses amis, Sufjan Stevens en tête encore une fois, pour lequel il s’est beaucoup activé notamment à l’époque de « The Age Of Adz » fameux album du génie de Detroit publié en 2010. On peut bien sûr regretter qu’un type capable de publier un album de la qualité d' »Heavy Ghost » pour ses débuts ne soit pas, pour son propre compte, plus productif, mais il faut se faire une raison.

Car « Pigeonheart » nous fait rapidement comprendre que DM Stith ne cherche pas à donner une quelconque trajectoire à son oeuvre, se fiche des mises en perspective et suit son seul instinct. L’album n’est ni une réaction à « Heavy Ghost », ni une redite, continuité ou recherche de rupture n’ont pas cours. Sur le fond, ce sont en revanche les mêmes ingrédients qui vont retenir l’attention : DM Stith joue habilement de sa voix, passant d’un chant parfois presque chuchoté à des scories où se mêlent urgence et lyrisme, notamment sur Rooster ou le décapant Sawtooth. Le registre de la justesse ne l’intéresse pas, ou peu, et c’est au contraire parfois celui de la dissonance qui est à l’honneur sur des titres comme War Machine ou Cormorant. Cette tendance pourrait agacer si elle n’entrait pas en symbiose avec la patte de compositeur de DM Stith. En effet, au niveau des dynamiques, si un côté direct et carré n’est pas constamment délaissé (souvent avec succès, l’efficacité brute de Sawtooth ou l’émotion simple et touchante de Nimbus n’ayant pas besoin de fioritures), nombre de titres ne sont pas de ceux qui se livrent instantanément, ni même aux premières écoutes. Dès l’initial Human Touch, c’est une structure tout en montagnes russes, tantôt apaisée tantôt tempétueuse qui s’offre à nous. Des moments plus apaisés succèdent à certains plus enlevés, notamment en milieu d’album avec la doublette Cormorant/Amylette, mais toujours avec ce côté insaisissable et inclassable. En termes d’habillage sonore, là encore, DM Stith s’en donne à coeur joie avec cette fois une préférence plus marquée pour des textures electros métronomiques et parfois assez dures, notamment sur l’infernal Rooster, machine implacable, mais addictive au fil des écoutes. Notre homme sait également jouer des contrastes entre cette dureté et une beauté incandescente sur le quasi-dramatique Up To The Letters. Au final, l’album recèle peut-être un peu moins de beautés que « Heavy Ghost », mais « Pigeonheart » est toutefois une belle matrice à idées, exigeante, souvent passionnante, qui s’apprivoise au fur et à mesure. L’album confirme en outre qu’il y a une patte DM Stith, qui n’a guère d’équivalents. On pensera bien sûr au versant plus expérimental d’un Sufjan Stevens, mais DM Stith étant un de ses proches collaborateurs, il ne faut pas se tromper sur qui influence l’autre. Le Bowie de la fin des années ’70 n’est pas très loin non plus, mais la comparaison vaut avant tout par l’audace qui se dégage du disque. Le disque de quelqu’un de talentueux avant tout.

Rédacteur en chef

La disco de David M. Stith