Premier album du groupe anglais et retour du débat sur l'original et la copie.
Avec le combo post-punk Dry Cleaning, on repart plein pot dans le débat entre pro et anti. D’un côté ceux qui accrochent illico et défendent bec et ongles le groupe, de l’autre ceux qui ne le voient que comme une nouvelle réplique pas originale pour un sou d’autres formations qui ont déjà largement étiré, voire épuisé, le schéma adopté par la troupe conduite par Florence Shaw. Il faut dire qu’autant d’autres groupes, à défaut d’une quête d’originalité à tout prix, affichent une spontanéité et une liberté formelle rafraîchissantes, autant Dry Cleaning a décidé d’occuper un créneau ultra-référencé et ténu. Un créneau qui tient en une phrase : des morceaux portés par quelques accords de guitare et une basse omniprésente sur lesquels Florence Shaw récite ses mots d’une voix blanche. Pas de chant, pas de changement de rythme, formule immuable.
En gros, il ne reste plus qu’à appliquer une grille de comparaisons, à vérifier si elle tient ou pas et, au final, à chercher dans quels interstices Dry Cleaning impose sa singularité. La première comparaison qui passe en tête dès les premières mesures de Scratchcard Lanyard, qui ouvre l’album, c’est Sonic Youth. Plus précisément, certains moments de Sonic Youth, quand Kim Gordon est au micro. Ceux qui clament que la comparaison est paresseuse et approximative sont de mauvaise foi. Impossible de passer à côté. On veut toutefois bien admettre qu’elle soit réductrice. Florence Shaw adopte en effet une diction plus douce, moins « cyanurée » que Kim Gordon, et derrière, on est davantage dans un jeu tenu et sec que dans l’instabilité et le chaos dissonant qui pouvait sous-tendre les compositions des New-Yorkais. La douceur de la diction de Florence Shaw est par ailleurs le point mis en avant par les aficionados du groupe, qui y voient son principal intérêt. Alors, oui, son timbre à la fois distancié et en avant sert indéniablement de fil rouge et on peut considérer que la quintessence de Dry Cleaning tient dans cette formule qui mêle sécheresse formelle et propos acides mais non vindicatifs, le tout égrené avec une voix qui envoûte délicatement.
Vous avez le droit d’adhérer à ces constats, vous avez également le droit d’y rester hermétique. Car, en gros, tout cela revient quelque peu à nous vendre que Dry Cleaning s’est emparé d’un schéma déjà largement éprouvé tout en y apportant une touche bien de notre époque. Une touche qui serait justement cette distance, le fait de poser un constat sur le cynisme et le désenchantement général de notre temps, au coeur des textes de Strong Feelings ou John Wick, mais sans colère ni rage. Mais on ne s’est peut-être pas rendu compte qu’adhérer à cette thèse revient à accepter que la musique qui refléterait le mieux notre époque serait celle qui mettrait de côté l’émotion, qui est somme toute la grande absente de « New Long Leg ». Or, si l’ennui, une forme de désespoir, le manque d’interactions sociales, un individualisme exacerbé, sont incontestablement des thèmes d’actualité, Dry Cleaning ne fait souvent que nous renvoyer à la figure ce que l’on sait et vit déjà, sans beaucoup plus nous éclairer. Et, aussi intéressante et sincère que puisse être leur démarche, elle ressemble à un coup d’épée dans l’eau.
- Publication 1 611 vues5 mai 2021
- Tags Dry Cleaning4AD
- Partagez cet article
Dry Cleaning sur la route
Tracklist
- Scratchcard Lanyard
- Unsmart Lady
- Strong Feelings
- Leafy
- Her Hippo
- New Long Leg
- John Wick
- More Big Birds
- A.L.C
- Every Day Carry