Four Tet

Le douzième album pour Kieran Hebden, l'occasion de prouver qu'il a toujours la tête sur les épaules.

Un peu plus de 25 ans de carrière et 11 albums, 12 désormais avec la sortie de « Three ». Il serait facile de qualifier Kieran Hebden de vétéran, terme que néanmoins on associe peu aux artisres electro, peut-être parce que le fait d’évoluer derrière des platines protège d’une exposition trop importante. Toujours est-il que, quel que soit le style dans lequel on évolue, dépasser la dizaine d’albums, et encore, on ne compte pas dans le lot les diverses compils de remixes, et durer dans le temps est assez rare pour être souligné. Une autre particularité de Four Tet est d’avoir toujours joui d’une popularité certaine, critique comme publique, son electro à la fois très abordable et son positionnement très « indé » y étant pour beaucoup. En effet, lui qui a longtemps été publié par Domino, sorte de super écurie indé, a ainsi plus qu’accompagné le rapprochement des chapelles pop et electro à la charnière des années 2000, via notamment de nombreuses collaborations et remixes, de Bloc Party aux Super furry animals en pasant par Beth Orton. Mais cette notoriété certaine est encore montée d’un cran depuis que Kieran Hebden s’est associé avec Skrillex et Fred Again pour un projet annexe qui a décroché son titre de gloire en évoluant devant près de 100000 personnes à Coachella en 2023.

Depuis, Four Tet évolue dans de vastes espaces pour des DJ sets épiques de plusieurs heures et on pouvait se demander si cette nouvelle popularité allait innonder ce nouvel album. Mais, rapidement, à l’écoute de « Three », on comprend que notre homme a gardé la tête sur les épaules et marque la différence entre ce que l’electro peut proposer sur scène, où il va en priorité s’adresser aux jambes de son public, et sur disque, espace où il convoquera davantage l’esprit et l’imagination. « Three » est donc un album assez minimaliste dans sa forme, ramassé avec au compteur 8 titres pour 45 minutes.

Pour autant, Four Tet évite aussi le piège qui aurait consisté à faire de ce nouvel album un pur objet cérébral, dédié à l’expérimentation sonore mais vite ennuyeux. Certes, le temps de Gliding Through Everything, on est plutôt dans le registre de l’ambient assez hermétique, mais c’est pour mieux basculer sur Storm Crystals et sa petite boucle immédiatement accrocheuse. Un schéma qu’on retrouve globalement sur Skater et sa boucle de guitares qui s’inscrit parfaitement dans le rapprochement entre electro et pop mentionné plus haut. A quelques occasions, notamment sur 31 Bloom, le tempo s’accélère doucement, le groove s’installe, mais ce sera peut-être davantage pour faire gentiment dodeliner de la tête que pousser les meubles de son salon. On sent ainsi sur l’ensemble de l’album une volonté d’évoluer dans un registre apaisant, épuré, sans faire non plus du sur place. « Three » est un disque qui se révèle par petites touches, plus exigeant qu’il n’y paraît de prime abord, auquel on aime revenir et qui trouvera certainement longtemps sa place en fin de soirée.