On ne savait pas bien quoi attendre du nouvel album de Grimes après l'intrigant dubstep de "Go", un album mis à la poubelle dont était sauvé le magnifique REALiti et l'annonce d'une chanson sur un mafioso vampire capable de changer de sexe. On est finalement rassurés, "Art Angels" est un magnifique contrepied à "Visions" et un des albums phares de l'année.
Il y a environ un an, Grimes mettait à la poubelle un album qui était apparemment trop sombre et déprimant, ce n’est du coup pas complètement surprenant que son nouvel album, « Art Angels », soit chaleureux, lumineux et surtout d’un fun incroyable. En effet, même si des thèmes de violence et de regrets parcourent l’album, la musique est surtout une fantastique machine à danser, sauter, bouger, casser tout autour de soi et chanter.
Dans la forme, « Art Angels » est un grand zapping pop, mixant tout ce que le genre a proposé depuis trois décennies : eurodance, K-Pop, sunshine pop des années 90, Madonna, Beyoncé, M.I.A, Crystal Castles, Kelly Clarkson… si on reconnait tous les ingrédients, le résultat final est inédit, à la fois reflet d’une époque où la capacité d’attention est réduite à quelques minutes et de la personnalité pétillante de Grimes. La canadienne a d’ailleurs fait main mise sur tous les aspects, des paroles à la production, teintant l’ensemble d’un féminisme moderne, autant dans l’attitude que les paroles, l’intense cri du coeur « It’s mine » sur le beau World Princess Part II semblant porter toute la catharsis du monde. Cet idéal de liberté est poussé jusque dans le choix des guests, invitant la rappeuse chinoise Aristophanes à poser un flow mi-guerrier mi-nonchalant en mandarin sur un morceau, SCREAM, qui percute Sleigh Bells et M.I.A., ou semblant proposer une suite à Girls (Run the World) avec Janelle Monae.
On pourra chercher la petite bête, le morceau plus faible, le passage qui ressemble un peu trop à quelque chose qu’on a entendu ailleurs ou un mot qui rime avec lui-même (voir plus bas), mais l’album reste épatant de consistance et, plus étonnamment, d’homogénéité. Il n’en comporte pas moins trois fabuleux sommets, morceaux dont on ne doute pas un instant qu’ils dureront. Flesh Without Blood tout d’abord, morceau pop irrésistible mêlant la mélancolie d’une amitié perdue avec une mélodie imparable et un rythme propulsif, qui renvoie la concurrence à ses études ; puis Kill v Maim, banger absolu de l’année qui vous mettra K.O debout sur le dancefloor… on défie, et encourage vivement, tout groupe de métal d’en faire une version plus intense. Et enfin on trouve REALiti, morceau sauvé de l’album abandonné, dont la version démo révélée au début de l’année tutoie la perfection, la plus pure distillation de ce que le synth pop peut faire de bouleversant, touchant et réconfortant qu’on ait entendu depuis des années ; la version album se révèlera significativement inférieure, ce qui la place tout de même nettement au dessus de la majorité de ce que l’on a pu entendre cette année.
En bref, si « Art Angels » est facilement candidat à l’album possédant la pochette la plus laide de l’année, il l’est aussi à une très haute place dans la liste des albums essentiels. Comme l’ont très bien dits nos collègues du Guardian, vous avez déjà entendu tout ce qui se trouve sur cet album, et pourtant vous n’avez jamais rien entendu de tel. Grimes a eu une idée simple mais brillante : ne répondre aux attentes de personne et faire ce qu’elle veut, ce qu’elle résume elle-même en concluant son album : « If you’re looking for a dream girl, I’ll never be your dream girl ».
Tracklist
- laughing and not being normal
- California
- SCREAM
- Flesh without Blood
- Belly of the Beat
- Kill V. Maim
- Artangels
- Easily
- Pin
- Realiti
- World Princess part II
- Venus Fly
- Life in the Vivid Dream
- Butterfly