Kill the Young

Quand on est un power trio, on se doit de parvenir à condenser la maximum de choses avec un minimum de moyens. Sans doute est-ce pour cela que les deux premiers disques des frères Gorman se voulaient incisifs et provocateurs. On pourrait, aujourd’hui, ajouter «juvéniles» dans la mesure où, après avoir été remerciés par leur label, les voici de retour avec un "Thicker Than Water" dont on ne pourra pas dire qu’il ne se veut pas plus dense voire même ambitieux (dans la limite du format précité bien sûr).

Le ton est donné dès un démarrage qui est tout sauf abrupt sur I Don’t Want To Fight With You Anymore, semi ballade mélancolique qui voit le groupe insérer nuances musicales et émotions presque apaisantes sur un thème à la fois sensible et personnel puisque ayant trait aux heurts entre leurs parents. Ouverture atypique et à contre-courant comme pour souligner que, maturité revendiquée aidant, le groupe entend donner un semblant d’élaboration à sa musique. Si les riffs retrouvent ensuite une tonalité fière, vindicative et altières, les compositions sont plus subtiles et léchées, souvent accrocheuses, comme pour s’employer à jeter un pont entre les atmosphères conflictuelles générées par les textes et les vocaux, et un soupçon de dérision, voire de distanciation.

Au fond tout se passe comme si le combo était dans un processus de deuil, de leur père déjà décédé , de certaines illusions affectives (Goodbye Chris (I Found A Cure For The Broken Hearted)), qui le rend plus ouvert à d’autres problématiques. Ainsi Darwin Smiles est un refrain vengeur contre la rhétorique créationniste tout comme le prise en compte de la mort de l’idée de Révolution avec l’espoir qu’elle n’est que provisoire, tout comme You, Me & God et I Am A Martyr ouvrent avec truculence à déboulonner l’imagerie religieuse et à lui substituer réflexions sur la dépendance alcoolique. Si "Thicker Than Water", se termine sur une interrogation presque existentielle (l’entêtant et entraînant Will You Change For Me?) il est signe que, pour Kill The Young, la route de la mutation est déjà bien ouverte… et épaisse.