La Pieta

Premier album de La Pietà, annoncé depuis plusieurs mois, enfin là !

Voici une illustration, pour ceux qui en auraient encore besoin, que donner vie à un album est un travail de longue haleine et un aboutissement, et que rien que pour ça, c’est un format précieux. Virginie Nourry, alias La Pietà, est en effet de celles qui veulent faire les choses bien et dans l’ordre. C’est pourquoi, avant « la Moyenne », elle a commencé par éditer plusieurs EP pour installer son univers musical et textuel. Et, comme elle entretient un rapport direct avec le public qu’elle s’est forgé depuis ses débuts, cet album est, pour elle comme pour toux ceux qui la suivent, un cheminement démarré par une campagne de financement participatif pour le produire, suivi de divers épisodes sur son avancée, le dévoilement au fur et à mesure de plusieurs extraits, sans compter, alors que l’attente tirait à sa fin, une date de sortie repoussée pour cause de crise sanitaire.

Mais, maintenant que l’album est là, comment l’appréhender ? Car, forcément, qui dit premier album dit nouveau public potentiel qui découvrira La Pietà en pensant découvrir une artiste débutante, c’est inévitable. Et, logiquement, ceux-ci prendront en pleine face le débit infernal et sans fard de Tapez, J’Revendique ou le spoken word inaugural La Moyenne, ébahis par le déferlement d’émotions à nu et crues qui ne peuvent manquer d’interpeller par leur honnêteté et leur justesse. Ils seront aussi admiratifs de la capacité à surfer entre les genres, entre slam, scories punk (Jusqu’ici Tout Va Bien), élans quasi-romantiques sur fond de piano (Y En A). Ceux-ci trouveront en La Pietà une artiste qui réveillera chez eux des échos, des émotions refoulées, leur servira peut-être même de catharsis, un biais pour évacuer les non-dits. Car La Pietà est sans aucun doute possible une des meilleures plumes en français du moment, n’a pas d’égal pour mettre en mots le mal-être, qu’il soit intime ou social, sans jamais tomber dans le misérabilisme ou l’affliction et au contraire transmettre une énergie positive salutaire. Pour cela, « La Moyenne » est évidemment un album important.

Plus subtilement, « La Moyenne » était aussi un défi vis à vis de ceux qui connaissent déjà ses EP précédents et les fulgurances dont La Pietà est capable. Fulgurances d’autant plus efficaces quand elles sont condensées sur format court. Mais l’album, c’est précisément monter un cran au-dessus, réussir à tenir sur la longueur. A cet égard, sur la forme, l’exercice est réussi avec une structure qui s’ouvre sur un texte fort, se termine sur un autre texte parlé plus apaisé, touchant par le besoin exprimé de s’accrocher à une part d’innocence malgré tout (L’Enfance), une palette bien modulée entre diverses textures, parfois métronomiques, à d’autres moments plus organiques. Oserait-on seulement relever un tout petit essoufflement sur Arrêtez Tout et Ma Guerre est Finie, un peu moins inspirés. Petit bémol qui n’en est même pas un. « La Moyenne » est un disque qui, on l’espère vraiment, offrira à La Pietà toute la place qu’elle mérite et qui convaincront ceux qui la suivent depuis ses débuts de continuer à faire le chemin avec elle.