Fidèle à ses habitudes, Micah P. Hinson continue à explorer les tréfonds du folk et de la country tout en restant insaisissable.
Avec sa dégaine maladive, sa voix ravagée alors qu’il n’est même pas au milieu de la trentaine et ses albums nourris au terroir du fin fond du Texas, Micah P. Hinson a tout pour s’inscrire dans les pas d’un Johnny Cash ou d’un Townes Van Zandt, pour citer des figures évidentes. Pourtant, si le folk et la country sont bien ses genres de prédilection, notre homme ne se laisse pas cataloguer facilement et, à chaque album, c’est un nouveau groupe qui l’accompagne et donne une couleur différente à ses compositions. Les « Pioneer Saboteurs », qui l’accompagnaient en 2010 sur son dernier album en date, s’étaient révélé un merveilleux groupe de cordes qui avaient magnifiquement porté des morceaux amples, volontiers dramatiques et même parfois lyriques. Quatre ans plus tard, la faute à un accident de voiture en 2011 qui a privé Micah P. Hinson de l’usage de ses bras pendant quelques temps, au point qu’on a pu craindre qu’il ne soit plus jamais en mesure de tenir un instrument de musique, « The Nothing » évoluent dans un registre globalement plus brut et direct, en partie peut-être parce que, alors qu’il était encore en convalescence, Micah P. Hinson a envoyé des démos à des amis un peu partout dans le monde pour qu’ils commencent à travailler sur les arrangements sans lui. Pour information, car, à l’écoute de l’album, elle vaut son pesant de cacahuètes, l’album a été enregistré en Espagne, avec des musiciens locaux. Mais inutile d’y chercher un indice qui le laisserait deviner, preuve que le groupe est rentré à cent pour cent dans l’univers du songwriter américain.
Comme pour exorciser l’angoisse qu’il a pu éprouver quand il n’était pas certain de pouvoir de nouveau jouer de la guitare, Micah P. Hinson démarre l’album par How Are You, Just A Dream, un morceau crasse, débraillé, avec une guitare électrique en avant et quelques scories vocales libératrices, avant de revenir à un registre plus posé, où se distinguent pas moins de trois morceaux de bravoure : le séminal On The Way Home – To Abilene, classique, distingué, qui inscrit notre homme en digne héritier d’une longue tradition toujours vivace, l’enlevé The Life, Living, Death And Dying Of A Certain And Peculiar L.J Nichols, mené par une section rythmique efficace, une slide guitare du meilleur effet et auquel le chant écorché donne tout son relief, et Sons Of U.S.S.R, à l’actualité brûlante, magnifique ballade solennelle sur un fond sonore brumeux agrémenté d’une ligne de piano.
Sur la seconde moitié de l’album, l’ambiance devient plus sombre, plus intime, et on devine que ces titres reflètent la période la plus difficile traversée par Micah P. Hinson, qui se livre à des incantations moitié mystiques, moitié désabusées (God Is Good). Le temps de The Quill, interprété d’une voix quasiment brisée, on a l’impression qu’il s’adresse directement à la mort, comme s’il l’avait vue en face, et la beauté des quelques notes de piano et des cordes discrètes en devient d’autant plus poignante. Sur The Crosshairs, le songwriter retrouve du mordant et referme l’album sur un ton presque belliqueux, digne de ceux qui ont vu l’enfer et en sont revenus. Les grands songwriters sont souvent ceux qui savent traduire au mieux un vécu chaotique et hors-normes. Avec cet album, Micah P. Hinson entre une fois pour toutes dans ce cercle fermé.
- Publication 1 297 vues14 mars 2014
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